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LETTRES PARISIENNES (1840).

permettre qu’elles portent d’heureux fruits, alors quelquefois peut-être lui adressera-t-on un vœu, une prière en faveur des enfants pour lesquels fut composé ce petit livre. Leur mère ne renonce pas à cet espoir, qui l’a soutenue dans son travail et qui en est déjà la plus douce récompense. »

Vous comprenez qu’un livre écrit avec cette douceur doit exercer une heureuse influence sur l’imagination des enfants. Ces leçons données avec tant d’amour n’ont rien d’austère ni d’aride : là, point de pédanterie, point de froid courroux ; toute la puissance de ces conseils si profondément maternels est dans ce mot, qui pourrait servir d’épigraphe au livre : « Obéissez-moi, car je vous aime. »


LETTRE DIX-SEPTIÈME.

Les défauts profitables et les qualités fatales. — Que ferons-nous d’Auguste ?
Physiologie du député flottant. — La délicatesse porte malheur.
28 mai 1840.

Il est une triste vérité que nous sommes forcé de reconnaître et que nous aurons le courage de proclamer : c’est qu’on ne réussit dans le monde que par ses défauts.

Remarquez bien que nous ne disons pas « dans ce monde », mais « dans le monde », ce qui est bien différent.

Or si nous ne devons réussir que par nos défauts, rien n’est plus cruel, plus maladroit, plus imprudent que de nous engager à nous en corriger ; c’est nous ruiner, c’est nous perdre, c’est tarir la source de nos prospérités, en nous ôtant nos armes de combat et notre assurance, en nous arrachant nos illusions inspiratrices et notre espoir.

Vouloir se corriger de ses défauts… mais c’est apprendre à les connaître, et c’est là déjà un très-grand malheur.

Un philosophe a dit : « Connais-toi toi-même. » Oui, si tu veux rester philosophe, vivre en philosophe, c’est-à-dire ne prétendre à rien, n’arriver à rien. Pour vivre ainsi, connais-toi tant que tu voudras ; tu peux, sans risque, te donner ce pauvre plaisir ; la science de toi-même, la contemplation de tes misères ne pourront servir qu’à te rendre plus sage, soit…