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LETTRES PARISIENNES (1844).

Il y a déjà eu en Grèce une tentative de ce genre faite par un riche négociant, qui offrait aussi des hécatombes à Jupiter. Cette rénovation a été suivie avec beaucoup d’intérêt par les Anglais, qui achetaient les victimes pour en faire des biftecks.

Ensuite on parla des vingt mariages que le printemps de cette année a décidés : le mariage du prince de B… avec mademoiselle Se…, du duc de Les… avec mademoiselle de Ség…, du duc d’Alb… avec mademoiselle Sch…, etc., etc. Le provincial cherchait en vain à retenir ces noms, dits très-vite et presque tous à la fois ; il a dû confondre un peu ces mariés, donner à l’un la femme de l’autre, à celle-ci le mari de celle-là ; nous le croyons capable non pas de brouiller, mais d’embrouiller singulièrement ces jeunes ménages. On rappela, à propos du premier de ces mariages, la superbe indignation des gros bonnets du faubourg Saint-Germain, et cette naïve exclamation échappée à leur colère : « Enfin, c’est la famille de finances qui fait le mariage d’argent. » Eh bien, où donc est le mal qu’un grand seigneur fasse une action généreuse ? Quand il vend son nom, vous trouvez cela tout simple ; et vous criez au scandale quand il le donne ? Nous comprenons à merveille qu’avec de certaines idées on meure de faim plutôt que de faire une mésalliance ; mais puisque les mésalliances sont permises, convenez-en, celles que l’on fait par amour peuvent seules adroitement pallier celles qui se font par intérêt.

Ensuite, M. de Balzac nous conta un trait charmant de l’empereur de Russie, une plaisanterie excellente, pleine de gaieté et d’esprit, que nous n’osons pas vous répéter, parce que nous ne lui en avons pas demandé la permission… à M. de Balzac, entendons-nous !

Puis M. Victor Hugo cita une anecdote historique bien intéressante, que le roi lui a racontée dernièrement avec ce merveilleux talent de narrateur qu’il possède à un si haut degré ; cette fois, c’est du roi que nous voulons parler, on pourrait confondre.

On demanda à M. Hugo s’il était vrai qu’un soir, cet hiver, le roi fût resté à causer avec lui si tard, que, croyant tout le monde parti et le roi couché, les gens du château avaient éteint toutes les lumières, et que le roi lui-même avait été