s’il était moins régulièrement infidèle, le temps s’arrêterait. C’est bien la peine d’être papillon, pour être si tristement limité dans ses fantaisies ! Faux inconstant, tu t’imagines courir, de belle en belle, et tu ne peux changer d’infidélité ! Séducteur monotone, tu te crois volage… tu n’es que bigame ! Et pourtant que de volages te ressemblent, qui se croient légers, insouciants, parce qu’ils ont deux soucis ; qui se croient libres, parce qu’ils ont deux chaînes !
Pendant que la famille émerveillée contemple la pendule au papillon, un monsieur d’un air vainqueur s’avance donnant le bras à une femme richement parée, robe verte, écharpe rouge, chapeau rose à plumes. Le monsieur s’adresse à un portier qui jette de l’eau sur le trottoir et sur les personnes qui y passent :
« Y a-t-il une place de fiacres près d’ici ? — En voilà une devant vous. — Mais il n’y a pas un seul fiacre ! — Il n’y en a jamais. — Alors pourquoi est-ce une place de fiacres ? — Parce qu’il devrait y en avoir. » Le monsieur et la dame se consultent ; résultat de la délibération : Alors il vaut mieux dîner au café de Paris et aller à l’Opéra-Comique. — Ils entrent au café de Paris. Un moment après ils redescendent l’escalier du café en disant d’un air consterné : « Pas de place !… C’est votre faute, je vous avais proposé de dîner à deux heures, vous n’avez pas voulu. Maintenant mon avis, à moi, c’est de ne pas dîner du tout, et d’aller tout droit au théâtre… » Le monsieur semble ne pas goûter cet avis ; on recommence à délibérer… l’opinion de la femme l’emporte ; on ne dînera pas… mais elle a fait une concession… On entre chez un pâtissier Le monsieur a l’air triste… La femme, pour dissiper cette tristesse, ajoute ce mot : « Nous souperons. » Ils courent bien vite à l’Opéra-Comique. « Deux places de premières avec salon ? — Elles sont toutes louées. — Des secondes ? — Il n’y en a plus. — Des troisièmes ? — Je viens de donner les dernières. De l’amphithéâtre, voulez-vous ? — Il le faut bien !… » Ils disparaissent tous deux dans le corridor-labyrinthe qui mène au théâtre ; le monsieur murmure en lui-même : « Avoir sacrifié son dîner pour être niché au quatrième !… » La dame se dit tout bas : « Si j’avais su devoir aller au paradis, je ne me serais pas faite si belle ! »