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LE VICOMTE DE LAUNAY.

et polka : la polka maigre et la polka grasse, la polka de luxe et la polka de santé, la polka naturelle et la polka violente, la polka dansée et la polka pensée, c’est-à-dire celle des personnes qui, tout le temps qu’elles dansent, comptent : un, deux, trois, quatre ; un, deux, trois, quatre ; un, deux, trois, quatre… Ça se voit dans leurs yeux et au mouvement de leurs lèvres, ça ne leur donne pas l’air inspiré. Mais toutes les polkas sont excellentes, elles font valoir la grâce de celle-ci, le ridicule de celle-là, elles amusent les danseurs et les spectateurs, et puis elles ramènent en France le goût de la danse, cette innocente passion qui doit servir de correctif aux excès d’une lettromanie effrayante ou d’une pédantesque effrénée.

Nous avons admiré à ces deux fêtes de bien élégantes parures ; entre autres, une robe de gros de Naples vert anglais à double jupe, garnie d’une superbe dentelle posée à plat, ce qui faisait valoir toute la beauté du dessin ; la berthe et les manches étaient garnies de la même dentelle ; avec cette robe verte, la jeune merveilleuse avait une demi-guirlande de boutons de roses posée fort en arrière de la tête ; le bouquet de la ceinture était pareil à la guirlande : le tout en fleurs naturelles. C’est la mode, la grande mode. Nous voulons toujours médire des fleurs naturelles appliquées aux coiffures mondaines, mais l’apparition ou le souvenir d’une charmante parure de ce genre vient détourner nos critiques. Cependant, c’est affreux ; ces fleurs à la fin du bal sont horriblement fanées, ces roses noircissent, ces camélias jaunissent, ces violettes blanchissent, ces feuillages flétris s’inclinent douloureusement ; vous partez avec une guirlande, vous rentrez avec une salade ; vous appelez cela des fleurs naturelles, mais ce sont des fleurs confites, et nous leur préférons les fleurs franchement artificielles ; nous préférons une beauté trompeuse à une laideur loyale ; nous préférons l’art parfait à la nature dégénérée… — Cependant la belle madame de V… avait une guirlande de lilas blanc qui était bien jolie dans ses cheveux noirs… Ce n’est pas tout : qu’elles sont lourdes, ces coiffures ! que de solides quincailleries dans ces parures d’un jour, et que de fil de fer, de laiton, de cannetille dans ce bouquet léger ! C’est tout un treillage qu’on pose devant soi. — Cependant la belle