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LE VICOMTE DE LAUNAY.

éternels courages que rien ne peut effrayer : l’amour maternel et l’amour pur.

N’est-ce pas là l’histoire de toutes les généreuses victimes, de tous les grands sacrifices ?

Ô philosophes ! avez-vous jamais imaginé rien de plus beau que ce poëme divin ? Un homme de haute intelligence nous disait dernièrement : « Dans mes jours de doute, pour m’affermir contre les taquineries des philosophes, les faux raisonnements des novateurs, je relis l’Évangile, et comme il m’est démontré que jamais l’esprit humain ne s’est élevé si haut, comme il m’est prouvé que c’est le livre le plus sublime qu’on ait jamais écrit, que cette œuvre est supérieure à tous les chefs-d’œuvre des plus célèbres génies, que ce poëme est plus beau que le Dante, que Virgile, qu’Homère…, je me dis que Dieu seul peut l’avoir dicté, que Dieu seul peut avoir empreint un langage d’une si primitive grandeur, d’une si formidable simplicité… et je me sens de nouveau convaincu, et je reviens à la croyance par l’admiration… Je fais le travail contraire sur les écrits des philosophes, et je les trouve si pauvres d’esprit, si maigres d’idées, si secs de cœur, que je les prends en dédain et me dis : C’est une trop mauvaise littérature pour être une bonne religion. Moquez-vous de moi, ajoutait-il ; ce n’est pas la foi qui me sauve, c’est le goût ! »

Et Longchamp que nous allions oublier ! Il y avait beaucoup de monde, mais plus d’étrangères que de Françaises. Depuis quelques années, le véritable jour de Longchamp est le dimanche de Quasimodo, dont nous vous parlerons. Pendant la semaine sainte, les femmes se montrent rarement en public ; elles sont à l’église pour entendre des sermons. Ce n’est qu’après Pâques, après les jours de jeûne, que l’on reprend le cours des vanités, mais des vanités charitables, de celles que permet, dans son indulgence éclairée, M. l’abbé de Ravignan. Il comprend que l’on peut vivre dans le monde en restant indépendant de lui ; il comprend que le luxe est une sorte d’aumône, que les parures que portent les femmes riches font travailler les femmes pauvres ; il comprend qu’on peut prier avec ferveur dans un oratoire fleuri, et prosterner avec humilité devant Dieu un front chargé de diamants.