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LETTRES PARISIENNES (1844).

clamer les succès de cette beauté célèbre… Mais, quand nous disons cela, d’où vient que tant de laiderons s’alarment ? Ce danger ne les menace pas !

Quand nous répétons un mot ravissant de madame de P… ou de madame de Viri…, deux femmes du grand monde renommées par leur esprit, d’où vient que madame de X… est inquiète ?… Craint-elle que nous ne répétions les faux bons mots qu’elle marmotte en tisonnant sa fausse bûche avec ses faux hommes d’esprit ?

Si nous vantons l’élégance de mesdames les princesses de T… et de P…, deux jeunes et charmantes sœurs toujours parées avec tant de goût, pourquoi madame de Z… crie-t-elle au scandale ? Pense-t-elle que nous voulions donner comme des modèles d’élégance ses robes sans manches, ses petites guirlandes de plumes de coq, ses velours râpés d’un coton si loyal, et ses fourrures effarées de chat fâché ou de chien malade ?

Si nous racontons un superbe concert auquel nous avons assisté chez madame la comtesse M…, dans ce salon si brillant que les succès y comptent double et où toutes les voix sonores et harmonieuses de notre siècle mélomane ont glorieusement retenti, pourquoi madame la baronne *** s’effarouche-t-elle de nos récits ?… Qu’elle se rassure ! nous ne vanterons jamais ses concerts d’aveugles qui ne peuvent charmer que des sourds, ses vieux pianistes de contrebande qui ne sont pas même Allemands, et ses virtuoses de gouttières dont les miaulements effroyables vous portent malgré vous aux rêveries les plus cruelles et vous font regarder avec une bienveillance sinistre madame de Z… et ses fourrures.

Enfin, quand nous parlons en détail du grand bal donné par un millionnaire intelligent, il y en a au moins un ; quand nous dépeignons sa magnificence royale, d’où vient que les vaniteux avares s’effrayent ? Nous ne dépeindrons jamais leurs bastringues prétentieux. Qu’ils se rassurent donc aussi, qu’ils versent en paix leur thé de potager, leur chocolat de santé, leur orgeat bleu de ciel et leur sirop de groseille aurore !… Nous ne trahirons jamais leur nom ni celui de leur fournisseur, jamais nous ne dénoncerons l’antre malsain où se fabriquent leurs rafraîchissements de teinturier et leurs pâtisseries de sorcier ; ce soin-là