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LETTRES PARISIENNES (1844).

coup pour lui ; mais enfin, dans le roman, ce n’est pas au Notaire, c’est au Maître d’école que le prince fait crever les yeux, et, je l’avoue, mes amis et moi nous avions compté là-dessus… » Ô vanité des désirs humains ! on ne peut pas même compter sur le supplice de ses rêves !

Du reste, Paris est admirable ; l’inondation en fait une merveille. Figurez-vous la capitale de la France se mirant dans le lac de Genève. Quel dommage qu’une si belle chose soit un désastre ! Toutes les caves sont submergées dans le faubourg Saint-Germain ; à Bercy, les ouvriers vont en bateau boire chez les marchands de vin, qui les servent montés sur des échelles. Les rats, que l’eau a chassés des caves, se promènent par bataillons dans les rues, comme ces écoliers mécontents qui, dans Paris, à de certaines époques, se promènent contre le gouvernement. Ces rats protestent, on n’en saurait douter ; tout porte à croire que c’est contre l’inondation. Cependant ils n’ont pas encore de petit drapeau qui exprime leur pensée et sur lequel on écrit : À bas ceci ! à bas celui-là ! À vrai dire, ces promenades malveillantes n’ont commencé que depuis hier, et l’on n’a pas encore eu le temps de s’entendre pour rédiger la protestation ; et puis enfin les eaux diminuent : ils sont capables d’appeler cela une concession de la peur.

Nous recevons, à propos de notre dernier feuilleton, une réclamation de M. le baron Mergez, ancien aide de camp du général Bernadotte : « Les mots sanguinaires : Liberté, égalité ou la mort ! n’ont été employés, dit-il, qu’à l’époque de la Terreur. Bernadotte était alors général ; or je demande à tout militaire de l’ancienne et nouvelle armée s’il est jamais arrivé que les colonels et les généraux se fissent tatouer ?… » Cette observation nous paraît fort juste, et nous nous hâtons de la publier. Un aide de camp de Bernadotte est un témoin digne de foi ; mais la personne qui nous a raconté ce fait qu’on vient de nier est aussi digne de foi et toujours parfaitement bien informée. Que faire ?… soumettre à nos lecteurs ces deux vérités en priant chacun de vouloir bien choisir celle des deux qu’il préfère. Nous ne chercherons pas à les influencer.