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LETTRES PARISIENNES (1840).

il faut être juste, elle produit un très-grand effet sur ceux-là. « Quoi ! se dit-on avec inquiétude, madame une telle a été priée cette fois, et moi je ne le suis pas ! On m’invite pour les grandes cohues ; et l’on m’exclut les jours de bals choisis ! » Une autre femme se dit : « Peut-être n’a-t-on pas porté mes cartes. » Elle sonne, elle s’en informe avec anxiété ; on lui répond que les cartes ont été remises exactement. Elle ne peut donc pas se faire d’illusion : on l’a oubliée… parce qu’on a voulu l’oublier ; mais qu’elle se console, on a bien pensé à elle en l’oubliant.

Nous pourrions vous parler encore de la grande réception qui a eu lieu aux Tuileries pour la fête du roi, des superbes parures qu’on y remarquait ; de la grâce, de la beauté de madame la duchesse de Nemours, et vous répéter ce mot naïf et agréable d’une riche bourgeoise de la cour, qui, nommée par la reine à la nouvelle mariée, dit avec un gentil sourire : « Je remercie bien Votre Majesté de m’avoir fait faire la connaissance de madame. »

Ô bourgeoises ! venez à la cour, vous en avez le droit, car vous avez aujourd’hui la puissance et la fortune, car les plus beaux châteaux sont à vous, car votre argent, que vous dépensez honorablement, jette partout la prospérité et la vie ; venez à la cour, mais alors apprenez les usages de la cour, et tâchez au moins de parler français quand vous parlez à la reine des Français. Et si nos conseils vous offensent, n’accusez que nous de vous les donner, et n’écoutez point les journaux menteurs qui nous appellent si perfidement : écrivain du château, nous qui n’allons pas au château, et qui pouvons ainsi écrire en toute liberté, critiquer sans inconvénient ce qui nous choque et louer sans flatterie ce qui nous plaît. Nous n’avons qu’un seul avantage : notre indépendance ; nous tenons à la conserver.

Nous pourrions vous parler encore du feu d’artifice tiré le jour de la fête du roi. Ce feu soi-disant d’artifice était d’une très-grande simplicité. Nous avons entendu à son sujet ce propos peu flatteur d’un spectateur désappointé : « Ma foi, disait-il, j’en ai tiré un pour la fête de mon oncle, à la Saint-Pierre, qui était plus beau que celui-là ! »

Nous pourrions vous parler, hélas ! de beaucoup de choses