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LETTRES PARISIENNES (1842).

triche, à l’ambassade d’Angleterre ; mais nulle fête joyeuse n’ose encore effacer de tristes souvenirs.

L’album à la mode est celui de Labarre. Que ses romances sont dramatiques ! que ses chansonnettes sont spirituelles ! En les écoutant dans un salon, on n’a qu’un regret, c’est de ne pas les entendre sur un théâtre. Pourquoi donc Labarre ne fait-il pas un opéra ?

Les étrennes à la mode sont les bijoux sculptés. M. Froment-Meurice a refait un art de l’orfèvrerie : ses épingles sont des statuettes charmantes que Pradier ne désavouerait pas ; ses bracelets empruntent aux gracieuses fantaisies de la renaissance des formes inattendues et d’un caprice exquis. Il réduit des bas-reliefs de Jean Goujon aux proportions d’une agrafe. La naïade d’argent ou d’or, au lieu de s’accouder sur une urne, s’appuie sur un rubis, sur un diamant. M. Froment-Meurice, dont Victor Hugo a célébré le talent dans de délicieuses stances, et qu’il appelle le Michel-Ange du bijou, fait complètement oublier la richesse de la matière par la beauté du travail. Ses parures sont si artistement jolies, qu’on ose les accepter comme si elles n’étaient pas précieuses.

Le monde politique est assez inquiet ; les ministres ne rêvent que coalition. — M. de G… est allé voir M. de L… : coalition ! M. de Salvandy a bu à la santé de M. Odilon Barrot : coalition ! Madame de R… s’est réconciliée avec madame *** : coalition ! Ces messieurs croient à cette parole du prophète : « Qui a triomphé par le glaive périra par le glaive ! » Un député, coryphée de la coalition, disait l’autre soir en parlant de M. de Lamartine : « Lui, faire partie d’une coalition ! jamais ! ce serait démentir son noble caractère ! » Le mot est naïf de votre part, monsieur ; mais que veut-il dire ?… Que vous avez démenti votre noble caractère, ou bien que vous n’aviez pas de noble caractère à démentir ; choisissez.

Le monde enfantin est désolé. Deux jours et demi de congé au commencement de l’année ! N’avoir que deux jours pour jouir de tant de fêtes et pas un seul pour se reposer, c’est bien triste. Renvoyer sans pitié au collège de pauvres enfants nourris pendant deux jours de bonbons et de coups de fusil, c’est bien cruel ! Car vous saurez que tous les écoliers iront