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LETTRES PARISIENNES (1842).

— Taisez-vous donc ! s’écria madame G… Si votre mère vous entendait ! »

La dame aux sept petites chaises vient passer l’hiver ici ; cette nouvelle n’est pas de peu d’importance.

Allons, prenons courage, voilà que nous retrouvons cette agilité de niaiserie que nous regrettions tout à l’heure. Encore une huitaine de jours, et nous serons redevenu tout à fait Parisien.


LETTRE DEUXIÈME.

Prise de Noukaïva. — Plaisanterie imprévoyante. — L’Angleterre ne peut pas être généreuse. — Mot de M. de Montrond. — Phèdre, petite-fille du soleil. — Étrennes. — Ce qu’on peut souhaiter à tout le monde.
31 décembre 1842.

Eh bien, non… non… nous ne pouvons pas encore nous y accoutumer… cette vie factice nous répugne ; il faut plus de quinze jours pour se refaire Parisien. Nous avons beau nous arraisonner et nous dire : Cela doit être ainsi…, toutes ces menteries nous révoltent, ces grimaces nous semblent hideuses, ces inconséquences nous paraissent à la fois absurdes et insolentes ; mais rassurez-vous, nous ne serons aujourd’hui ni philosophe, ni observateur, ni critique ; nous ajournerons notre colère pour lui laisser le temps de se modérer. D’ailleurs, nous sommes trop généreux pour abuser de nos avantages. Cela est bien facile, en vérité, de juger le monde lorsqu’on est si parfaitement indépendant de lui. Le grand mérite d’être implacable quand on ne redoute aucune grave blessure ! La belle gloire de poursuivre toutes les folies lorsqu’on est soi-même si désespérément raisonnable !

Quoi ! venir combattre les passions, les ambitions, les vanités, les misères du jour, et n’avoir soi-même aucun secret dans le cœur, aucune vanité dans ses rêves, aucune ambition dans son avenir ! Se reconnaître indifférent à toute chose, et venir condamner ceux qui aiment, ceux qui souffrent, ceux qui désirent ! Être armé et frapper sans pitié ceux qui sont désarmés ! Oh ! cela n’est pas noble, cela n’est pas digne de nous ! N’apporter que ses ridicules, c’est un bel enjeu, sans doute,