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LETTRES PARISIENNES (1842).

président de la Chambre des pairs a saisi l’occasion de rendre hommage au dévouement de son prédécesseur pour la royauté déchue. Le juge politique semblait heureux de se dédommager de la sévérité de son devoir par la douceur de cet hommage ; il semblait fier de déclarer à la face du pays qu’autant il faut se montrer implacable pour l’esprit de parti lorsqu’il s’égare jusqu’au crime, jusqu’au mépris des lois et de l’humanité, autant il faut se montrer pour lui généreux et sympathique lorsqu’il ne se trahit que par ses plus nobles preuves : l’abnégation et la fidélité.

M. le baron Pasquier a lu son discours avec un goût parfait, appuyant sur les passages importants de son sujet, et ne faisant valoir qu’à demi les passages à effets personnels, à effets d’auteur. Point de déclamation, point d’emphase, aucun de ces moyens oratoires dont on abuse aujourd’hui. Ces moyens plaisent sans doute au vulgaire, qu’ils avertissent des beaux endroits ; mais aux personnes intelligentes, qui n’ont pas besoin d’être averties, ils paraissent fatigants et offensants. Lire ce qu’on a écrit soi-même, ou lire l’ouvrage d’un autre, sont deux choses très-différentes. Nous n’aimons pas ces auteurs dont le débit officieux vous dit à tout moment : « Écoutez ça ! admirez ça ! je suis particulièrement content de cette phrase ! » et qui déclament complaisamment leur prose, comme un professeur, dans un cours de littérature, déclame les citations qu’il fait apprécier, ou comme cet amateur qui, jouant le rôle d’Hippolyte, faisait valoir chacune des beautés du style, et, récitant ce fameux vers :

Le jour n’est pas plus pur que le fond de mon cœur,


semblait ajouter : « Tous monosyllabes ! »

Dans son remarquable discours, M. Mignet n’a pas assez rappelé, selon nous, le principal titre de M. le baron Pasquier au choix de l’Académie. Ce n’est pas parce qu’il est chancelier de France qu’il a été élu, ni parce que l’Académie française trouve qu’il est bon pour elle de se munir de chancelier. Elle s’en est privée plus d’une fois, et nous pensons qu’elle a eu raison de s’en priver : on peut être un homme du plus grand mérite dans la magistrature et n’être pas du tout littéraire.