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LE VICOMTE DE LAUNAY.

Toutes les robes se font aujourd’hui avec trois volants, c’est la mode : aussi toute femme élégante évite-t-elle avec horreur les trois volants, car la femme élégante ne suit pas la mode ; elle la fuit.



LETTRE QUINZIÈME.

De tout ce dont on pourrait parler. — Les Rayons et les Ombres.
8 mai 1840.

Nous pourrions bien vous parler des fêtes charmantes qui ont eu lieu depuis quinze jours ;

Des courses de dimanche, favorisées par un temps superbe et honorées de la présence de toutes nos plus jolies femmes : courses admirables et d’autant plus extraordinaires que neuf chevaux couraient à la fois ; neuf chevaux ! neuf rivaux ! C’est chose rare au Champ de Mars : ordinairement, vous le savez, c’est un seul cheval qui court tout seul, luttant sans concurrents et arrivant toujours le premier ; n’importe, les amateurs l’admirent, les philosophes surtout… Il est si beau de lutter contre soi-même et de triompher !

Nous pourrions vous parler des courses d’hier, favorisées par une pluie battante ; pluie bienfaisante, tant désirée par les cochers de fiacre et les cultivateurs. La grande sécheresse avait fait monter si haut le prix des avoines, qu’il était question de nourrir les chevaux avec des brioches, et que dans nos cafés les plus à la mode on ne trouvait plus de glaces à la vanille.

Nous pourrions vous parler des bals mystérieux, même sournois, donnés par M. Thorn ; car ce profond observateur continue toujours ses expériences sur le caractère complaisant de la société française. À ces fêtes intimes d’une extrême élégance, trente femmes au plus sont conviées ; et comme les salons sont nombreux et que les invités ne viennent pas tous à la même heure, il en résulte pour plaisir réel la plus solennelle froideur, le plus agréable décousu : ce qui fait le charme de ces réunions brillantes, c’est que précisément il n’y a pas de réunion. D’ailleurs, ce n’est point pour ceux qui sont là que se donne la fête, mais bien pour ceux qui n’y sont pas, et,