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LE VICOMTE DE LAUNAY.

orgueilleux indisciplinés que risquer sa vie par une imprudence stupide ce n’est pas du courage, et que se soumettre à un règlement intelligent et charitable ce n’est pas de la servilité ! C’est un beau défaut que la sottise, parce qu’il est bien incurable et bien complet. Vous dites à un sot : « Monsieur, faites attention, il y a un fossé dans ce chemin. » Il prend un air digne et vous répond : « Monsieur, je ne reçois d’avis de personne ! » — Va donc, mais n’oublie pas cette maxime : « Celui qui a refusé des avis demande bientôt des secours. » Ce pauvre pays est incorrigible. Ici tout le monde est fier d’être sot, et le sot le plus sot trouve encore un sot qui l’admire.




ANNÉE 1842.


LETTRE PREMIÈRE.

Après une année de silence. — Retour à Paris. — Étonnements. — Jargon parisien. — L’Égérie étrangère. — L’Académie française et le Vaudeville. — Orosmane sous-préfet. — La comédie et le couvent. — Réception de M. le chancelier Pasquier à l’Académie. — Le prix Montrond.
11 décembre 1842.

Nous arrivons… et nous demandons bien vite ce qu’il faut faire, ce qu’il faut voir, ce qu’il faut dire ; car nous sommes dans la plus complète ignorance des intérêts parisiens. Et nous l’avouons, nous avons une peine extrême à nous remettre au courant des nouveautés du jour ; d’abord par incapacité, et puis aussi par indifférence. Or on apprend assez lentement ce qu’on n’a pas du tout envie de savoir. Nous faisons beaucoup de questions, c’est très-bien, c’est très-facile ; mais nous ne pouvons pas obtenir de nous d’écouter une seule réponse ; toutes ces idées-là sont si loin des nôtres ! et, plus encore, lorsque par hasard nous parvenons à écouter ce qu’on veut bien nous dire, il se trouve que nous n’y comprenons rien.

C’est que la vie parisienne est une étude qui demande des