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LETTRES PARISIENNES (1840).

LETTRE TREIZIÈME.

Longchamp.
17 avril 1840.

Six heures du soir. Nous revenons de Longchamp ; c’étaient de véritables champs Elysées ! des ombres errantes traversaient à pas lents des nuages de poussière. La vision pour nous a duré une heure. Première apparition : un prince russe à quatre chevaux. — Seconde apparition : une dame bleu de ciel, robe décolletée, écharpe iris… ombrelle chinée… en milord découvert (car il y avait peu de lords, mais beaucoup de milords). — Troisième apparition : une célèbre étrangère à quatre beaux chevaux avec courrier, postillons et voitures de suite. — Quatrième apparition : un fiacre tout neuf du meilleur goût, no 518. — Cinquième apparition : calèche découverte à quatre jolies femmes ; une capote vert-pomme délicieuse, une autre paille et velours adorable — Sixième apparition : voiture prétentieuse, livrée fantastique ; cocher nègre. — Septième apparition : une tapissière, toutes voiles déployées, contenant des passagers innombrables ; pilote cramoisi. — Huitième apparition : cavalcade d’élégants ; chevaux de pur sang ; cheveux et barbe poudrés. — Neuvième apparition : douze voitures de briquets phosphoriques. — Dixième apparition : une belle femme avec un joli enfant dans une calèche anglaise. — Onzième apparition : un landau peuplé de chiens et de manchons, chenil roulant — Douzième apparition : une grosse femme en grand deuil riant aux éclats dans un cabriolet de louage.

Et tous les badauds revenaient en disant : « Jamais Longchamp n’a été plus beau que cette année ! »


LETTRE QUATORZIÈME.

La Croix-de-Berny. — La femme élégante ne suit pas la mode, elle la fuit.
25 avril 1840.

L’événement de la semaine est le steeple-chase qui a eu lieu, comme à l’ordinaire, à la Croix-de-Berny. Car, en France, les champs et les prairies qui consentent à être dévastés sont peu