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LETTRES PARISIENNES (1841).

Nous vous entendons d’ici vous écrier : « Comment se fait-il que la Presse, ce journal si conséquent dans ses idées, conserve un feuilleton si rebelle et qui peut dire le lendemain tout le contraire de ce qu’elle a déclaré la veille ? » Ah ! c’est que la fatalité, qui nous poursuit en toutes choses, veut que nos misérables commérages aient du succès ; plus ils nous ennuient à écrire, plus on prétend qu’ils sont amusants à lire ; plus ils sont niais, plus il semble qu’ils soient goûtés ; nous avons composé avec conscience, c’est-à-dire avec prétention, de grands feuilletons qui ont plu à peu de personnes ; mais les bavardages, les purs bavardages, cela séduit tous les lecteurs, et il ne faut pas beaucoup d’intelligence pour bavarder agréablement ; mais il faut être placé de manière à être au courant de ce qui se dit dans tous les mondes, dans le monde politique, dans le monde artistique, dans le monde littéraire, dans le monde élégant, et la fatalité veut encore que nous possédions ce malheureux avantage. Bref, on nous reconnaît une spécialité, celle des niaiseries, et comme un journal qui se respecte ne saurait se priver d’une certaine dose de niaiserie, la Presse ne peut se passer de nous ; et ne pouvoir se passer des gens, cela aide beaucoup à les supporter. « Ne pourrait-on pas au moins vous corriger ? » dira-t-on. Comment cela ? en nous menaçant de nous supprimer ?… Trop charmante menace qui serait capable de nous encourager dans la rébellion ! Plût au ciel qu’on ait un jour l’idée de nous punir en nous rendant la liberté ! mais on nous gardera, ne nous flattons point d’un vain espoir. Résignez-vous donc à nous subir encore ; que voulez-vous ! on n’est pas parfait. La Presse est un journal consciencieux rédigé avec le plus grand soin ; ce maudit feuilleton est son seul défaut. Pardonnez-le-lui, ce fatal Courrier de Paris, et surtout ne la rendez pas responsable des folies qu’il s’amuse à dire, et des batailles qu’il lui plaît de livrer aux Chambres, à l’Académie, à l’Allemagne et à bien d’autres contrées.

Depuis huit jours on est très-occupé à Paris : les enfants font leur première communion ; les jeunes gens se marient, les députés font leurs paquets, c’est-à-dire les commissions de leurs commettants ; les femmes dévouées font de la tisane, et ceux qui n’ont rien à faire font du feu. Par ce froid horrible,