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LE VICOMTE DE LAUNAY.

mieux, répond-il encore, il m’appartient doublement, comme propriétaire et comme observateur ; j’ai donc deux fois le droit d’en rire. » Et il en rit.

La Presse, courageux défenseur de la monarchie, va au château une fois tous les trois ans. Le Courrier de Paris n’y va jamais.

La Presse, qui, en politique, professe la clémence, malgré la révoltante injustice de la Chambre des députés, recommande un grand respect pour ce troisième pouvoir de l’État ; elle ne parle jamais de ce corps vénérable qu’avec la plus parfaite convenance.

Le Courrier de Paris, qui professe l’implacabilité, ne voit aucune raison de pardonner jamais une lâcheté et une injustice ; il parle de ces choses-là sans égards, et comme il trouve que c’est un très-grand malheur pour une nation noble, généreuse et digne, que d’être représentée par des hommes mal mis et mal élevés, chaque fois que l’occasion se rencontre de reprocher à messieurs les représentants de la France l’inconvenance de leur costume et la vulgarité de leurs manières, il se fait un devoir d’en profiter.

Enfin, la Presse rêve la paix, parce que la paix c’est la prospérité du pays, le perfectionnement de l’agriculture, le développement de l’industrie et du commerce, la douceur des mœurs, l’intérêt de l’humanité ; soit !

Le Courrier de Paris de temps en temps rêve la guerre, non comme politique, mais comme philosophe, non par attrait pour elle-même, mais par horreur de ce qui la remplace. Quand on n’a point de guerre, savez-vous ce qu’on a ? — On a des pestes, des fièvres jaunes et des choléras, ou bien des révolutions et des émeutes ; or, puisque la loi de l’univers veut que les populations soient tous les vingt ans décimées, il pense que, mourir pour mourir, il vaut encore mieux tomber glorieusement sur un champ de bataille, pleuré par ses concitoyens, que de bleuir sur un lit de douleur, abandonné par ses amis, et que de se voir traîner à l’échafaud par des lâches. Non certes, il n’aime pas la guerre ; mais comme dans cet heureux monde nous n’avons le droit de choisir qu’entre des fléaux, il ose dire que de tous les fléaux la guerre est encore celui qu’il préfère.