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LE VICOMTE DE LAUNAY.

aux Champs-Élysées pour rencontrer une femme ; on va, le soir, au spectacle pour l’entrevoir un moment ; on rentre pour penser à elle, et l’on se plaît à vivre de son souvenir… et les dévouements sans espoir se dessinent dans un horizon sans bornes, et les sacrifices inutiles s’accomplissent dans un silence généreux ; on aime pour rien, c’est-à-dire qu’on aime pour aimer, ce qui n’est pas peu de chose : c’est si difficile d’aimer !

Le projet de réforme gouvernementale médité par les communistes obtient, en général, peu de succès. La manière dont ces régénérateurs prétendent fonder à jamais nos libertés nous paraît ingénieuse et nouvelle.

Liberté de la presse. Le gouvernement se charge seul de la direction de l’esprit public. Un journal qui s’aviserait d’avoir une opinion à lui serait poursuivi à mort.

Liberté d’enseignement. Le gouvernement se charge seul de l’instruction des enfants. Un père qui voudrait élever son fils lui-même serait proclamé père dénaturé et puni de mort.

Liberté individuelle. À l’âge de cinq ans, tout citoyen sera arraché à sa famille par ordre du gouvernement, qui seul a le droit d’être paternel.

Liberté des cultes. Le clergé est aboli ; toute religion est supprimée ; vous n’êtes libre que de n’en pas avoir.

Liberté de l’industrie et du commerce. Il est défendu de s’enrichir.

Organisation du travail. Tous les citoyens sont admis à travailler, mais à condition qu’ils ne toucheront point de salaire. Le peuple travaillera pour lui-même à son profit : les tailleurs feront des habits, non pour les vendre, mais pour les porter ; les chapeliers feront des chapeaux, mais seulement pour leur tête ; les cordonniers feront des souliers, mais seulement pour leurs pieds, etc., etc. L’exploitation de l’homme par l’homme étant une monstruosité désormais intolérable, cette maxime est d’une grande justesse ; les pauvres ne sont pas faits pour servir les riches. Mais nous demandons qu’on ajoute à l’idée, et que la loi dise aussi : Les auteurs feront des ouvrages qu’ils liront eux-mêmes, les gens d’esprit n’étant pas faits pour amuser les imbéciles.

La Phalange nous reproche de nous moquer des bas bleus,