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LE VICOMTE DE LAUNAY.

les siens ; peut-être ne lui en reste-t-il pas un pour ses amis les plus dévoués. — Vous avez raison, je renonce à lui écrire… Il me vient une autre idée… Si je m’adressais à M. de Salvandy ? — Cette idée est presque aussi bonne que la première. Mais vous ne devinez donc pas que la difficulté est la même ? tout ce que je vous ai dit du récipiendaire peut s’appliquer au directeur qui le reçoit. Lui-même prononce un discours ; lui aussi a une famille qui veut aller l’entendre ; lui aussi a ses amis, ses camarades, ses femmes aimées, ses flatteurs et ses obligés qui veulent aller l’applaudir. Vous adresser à M. de Salvandy ! vous n’y pensez pas, lui qui a été deux ans ministre, et qui, pendant son ministère, n’a oublié personne, qui s’est souvenu de ses plus modestes et de ses plus anciens amis, et qui a trouvé moyen de faire rendre justice à tous… Lui, je le parie, n’a déjà plus de billets, il remplirait toute la salle rien qu’avec ses obligés. — Mais à qui donc faut-il s’adresser ? — Au premier académicien ou plutôt au premier institutien venu, à votre galant admirateur M. ***. — Est-ce qu’il est de l’Institut ? — Sans doute. — Je ne l’aurais jamais cru, il n’en a pas l’air ; mais qu’a-t-il donc fait pour avoir mérité cet honneur ? — Je n’en sais rien, demandez-le-lui, il le sait peut-être. — Et vous dites qu’il a des billets ? — Chaque membre de l’Institut a droit à trois billets. Or il est probable que tous les savants et artistes célèbres ont déjà distribué les leurs. Adressez-vous à un académicien qui n’en ait pas l’air. Peut-être n’aura-t-on pas encore pensé à l’implorer pour cette grande solennité. — Bah ! si obscur que soit un artiste, un savant, il y a toujours quelqu’un qui le trouve célèbre, et déjà… — Quelqu’un, oui, mais trois personnes, c’est trop, et j’ai l’honneur de vous dire, madame, que l’on a jusqu’à trois billets à donner. Suivez mon conseil, vous n’avez pas d’autre chance. »

Il nous vient à notre tour une idée. Il y a beaucoup de femmes qui lisent ce feuilleton, et qui ont envie d’aller à l’Académie le 3 juin ; peut-être vont-elles, d’après cet avis, écrire à messieurs tels et tels. — Ce serait plaisant ! Malheur aux savants, artistes, académiciens, etc., etc., obscurs, qui recevront demain dans la journée une petite lettre parfumée !