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LE VICOMTE DE LAUNAY.

tactique nouvelle, qu’on pourrait appeler la chasse au lion ; quand nous voyons nos jeunes femmes traquer l’homme à la mode dans un bal comme un daim dans une forêt, le relancer de salon en salon, guetter son passage dans l’embrasure des portes, l’attirer du regard, le provoquer de la voix en répétant son nom ; et, s’il passe sans les voir, entreprendre, en compagnie d’une amie, d’une confidente victime, un voyage plus que sentimental à sa poursuite, au lieu d’attendre patiemment et dignement qu’il daigne venir jusqu’à elles, nous trouvons cela très-peu modeste, mais très-humble, et nous le disons. Trait de mœurs.

Quand nous voyons enfin….

Quand aura-t-il tout vu ?
Ah ! pourquoi celui-là m’a-t-il interrompu ?
Je ne dirai plus rien…

À propos d’allusions et de portraits, on s’obstine à reconnaître tous les personnages du dernier roman publié par la Presse : Mathilde. Toutes les bossues méchantes sont des comtesses de Maran ; tous les parvenus fourbes et insolents sont des Lugarto ; toutes les duchesses sensibles sont des duchesses de Richeville ; toutes les jeunes filles romanesques et cupides sont des Ursule. Chacun de ces tristes portraits a une douzaine d’originaux ; mais, chose singulière ! dans le caractère de Mathilde, qui est charmant, et dans celui de Rochegune, qui est parfait, on n’a encore reconnu personne. Cependant, si tous les personnages de ce livre sont des portraits, comme le prétendent les éditeurs et les méchants, c’est-à-dire les intéressés, ces deux personnages-là sont des portraits aussi ; leur ressemblance existe certainement ; d’où vient donc qu’on ne l’a pas encore trouvée ? Cela vient de ce qu’on ne l’a pas cherchée.

Les bals de printemps sont en grand nombre, mais peu nombreux ; les femmes y affectent une simplicité pastorale. Uniforme : robe d’organdi blanche, guirlande de fleurs naturelles, poses moins naturelles, regards plus que francs, discours plus que naïfs. Les bals du colonel Thorn sont toujours d’une grande élégance et d’une grande fraîcheur, le chiffre des