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LETTRES PARISIENNES (1841).

pour elle toutes les joies de la maternité. — Sans doute, elle ne fera jamais que de mauvais Nabuchodonosor, et, comme madame de la Reynière, elle s’écriera : « Tant souffrir pour mettre au monde un vilain ! »

Quand une jeune fille, noble et riche, veut, par hasard, épouser un jeune homme distingué appartenant à une famille noble, mais moins ancienne que la sienne, on crie à la démence : Une X… épouser un Y… ! c’est indigne !… Dans ce monde-là, on ne comprend pas qu’une antique famille depuis trois cents ans oubliée s’allie à une famille nouvelle depuis trois cents ans illustre. La vanité a des détails infinis. On observe cent variétés de l’espèce ; on croit les connaître, pas du tout ; on en découvre encore cent autres à étudier ; on s’y perd. Le plus court est de rire de toutes en masse : c’est le seul moyen de simplifier la question.

Ce n’est pas tout. Quand chacun de son côté a bien fait valoir les droits de son rang, la gloire de son nom, il arrive quelqu’un qui vient vous prouver positivement, historiquement, qu’il n’y a plus de grandes familles. — Quoi ! les M… ? — Branche cadette ! — Les R… ? — Famille éteinte depuis longtemps ! — Les G… ? — Il n’y en a plus ! — Or, s’il n’y en a plus, à quoi bon se quereller pour en être ?

Cela fait toujours croire à quelqu’un qu’on en est.

Et cela se passe aux mêmes heures, dans le même instant que les utopistes réformateurs modernes suppriment nom, famille, propriété, etc., etc.

Le siècle est complaisant, il admet les idées de tout le monde ; mais soyons de bonne foi, avouons-le : si ses idées ne se ressemblent point, elles s’assemblent ; l’exagération des unes explique l’excès des autres, la démence de celles-ci devait nécessairement faire naître l’extravagance de celles-là.

Ces réflexions nous sont venues en écoutant les étranges conversations qui ont lieu depuis quinze jours, à propos des vingt mariages de la saison ; car c’est la saison des mariages. En vérité, nous ne savons pas pourquoi on ne porte plus de la poudre ; on ne parlait pas autrement sous une perruque poudrée : alors les pensées n’étaient pas plus sages, mais du moins la tête était parfumée.