Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 5.djvu/137

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
129
LETTRES PARISIENNES (1841).

toutes les autres femmes abandonnées. C’étaient des brunes éclatantes dont les yeux brillaient comme des étoiles ; c’étaient des blondes gracieuses dont les cheveux ondoyaient comme des vagues d’or ; c’étaient de folâtres jeunes filles qui riaient par coquetterie pour laisser voir leurs fraîches dents d’une blancheur éblouissante ; et puis, auprès d’elles, c’étaient des femmes louches, chauves, édentées. Que faire pour consoler ces malheureuses créatures ? Qu’imaginer pour contraindre les hommes à les admirer ? Comment les rendre jamais belles, ces femmes à qui manquaient toutes les séductions de la femme ? Quel éclat leur donner, quel langage leur apprendre qui puisse remplacer jamais le regard et le sourire ?

Oh ! c’était une grande difficulté à vaincre, c’était un aride problème à résoudre. La société a dû chercher longtemps le moyen d’y parvenir ; mais elle l’a trouvé enfin, et elle est sortie victorieuse de l’épreuve.

Elle est descendue au sein de la terre, et elle a arraché aux entrailles du monde un caillou qu’elle a choisi parce qu’il était le plus rare, le plus dur, le plus pénible à travailler, et après avoir poli ce caillou de sa main toute-puissante, elle l’a proclamé diamant.

Elle a plongé au fond de la mer, et du sein de l’Océan elle a rapporté une larme qu’elle a déclarée perle fine, et dont elle a consacré la valeur ; et puis elle a composé de ces diamants des couronnes, de ces perles des bandeaux, et elle a dit : « Les diadèmes sont plus beaux que les plus beaux cheveux ; les diamants ont plus d’éclat que les plus beaux yeux ; les perles valent mieux que les plus belles dents ! » et elle a crié aux femmes qui avaient le cou et les bras maigres : « Voici des colliers et des bracelets ! » et elle a dit à celles qui avaient les épaules noires : « Voici de blanches dentelles et des châles d’un très-grand prix ; cachez-vous, parez-vous ! avec cela vous pourrez séduire bien des cœurs, avec cela vous pourrez l’emporter sur les femmes les plus parfaitement belles, avec cela vous serez plus que jolies, vous serez élégantes et fashionables. Courage donc ; marchez la tête haute, ayez confiance, et vous verrez qu’on aime plus les femmes pour leur parure que pour leur beauté. »