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LETTRES PARISIENNES (1841).

bouquet dont toutes les fleurs intelligentes choisiraient pour vous enivrer à l’envi leurs plus belles couleurs, leurs plus doux parfums. Les bals du prince Tuff… sont en ce genre les plus célèbres ; le dernier était superbe ; que de jolies Anglaises ! que de belles Moscovites ! que de gracieuses Parisiennes ! Comme on devinait tout de suite la pensée fondamentale de cette réunion ! comme le sens en était clairement expliqué ! comme on voyait bien vite, en regardant ces charmantes jeunes femmes, qu’elles étaient là par droit d’élégance et de beauté !

Parmi les fêtes agréables, nous compterons encore les bals d’occasion, ou bals de voyageurs. Ceux-là n’ont aucune prétention au luxe des tentures, à l’éclat des lambris ; c’est une fête improvisée, animée, joyeuse et amusante comme tous les plaisirs qu’on improvise. La maîtresse de la maison semble dire : « Je ne suis pas chez moi, je ne suis responsable de rien ici, j’ai pris ce qu’il y avait de mieux dans votre Paris ; si vous trouvez que cela est mal, c’est votre faute : pourquoi n’avez-vous rien de plus beau ? Venez me voir dans mon palais à Naples, à Vienne, à Saint-Pétersbourg ou à Madrid, et alors vous pourrez méjuger. Ce n’est pas une fête que je vous donne, c’est une hospitalité que je vous promets ; ne retenez de cette soirée qu’une chose : c’est le plaisir que j’aurai partout à vous recevoir. » Ces bals d’occasion, offerts par extraordinaire, ont quelquefois tant de succès, qu’on est forcé d’en donner plusieurs ; et vous verrez que madame d’Obres…, chez qui l’on a dansé l’autre jour jusqu’à cinq heures du matin, chez qui vous, madame la duchesse, vous êtes restée si tard, ne pourra pas se dispenser de donner après le carême une troisième fête improvisée.

Et le bal d’enfants !… Oh ! qu’il est délicieux, celui-là, surtout depuis que la mode des véritables enfants est revenue ! Naguère, il n’y avait plus d’enfants ! De six mois jusqu’à cinq ans, on daignait encore être enfant ! mais passé cinq ans, il n’y avait plus que des pédants et des vieillards ; des petits messieurs de six ans et demi, déjà un peu fats et tout de suite très-sots, dédaignant leur sœur et grondant leur mère quand elle faisait une faute d’anglais ; des petites-maîtresses de cinq ans au plus, portant un mantelet et nouant un chapeau avec