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LETTRES PARISIENNES (1841).

de femmes élégantes, couronnées de fleurs et de diamants. Les regards étaient éblouis. Nous ne craignons pas d’exagérer en disant que toutes les femmes avaient des diamants, excepté deux ou trois peut-être, qui semblaient n’en avoir pas mis pour se faire remarquer. Vrai, n’avoir pas de diamants ce jour-là, cela paraissait une affectation. En effet, pourquoi ne pas être comme tout le monde ?

Mais ce qu’il y avait de plus extraordinaire, et ce qu’on doit remarquer dans de semblables fêtes, c’est une réunion de danseurs élégants, de jeunes gens comme il faut, ayant une noble tournure et de bonnes manières. Là, il n’y avait pas la moindre cravate de satin blanc, pas le moindre gilet brodé en chenille ; là, nous n’avons pas vu un seul merveilleux coiffé en page de Louis XII, les cheveux séparés sur le front et retenus de chaque côté par des petits peignes. Là, point de costume de faux troubadour, comme il s’en trouve quelquefois dans les bals les plus paisibles ; point de figures étranges, masques involontaires qui font rire tout le monde ; point de nez de carnaval, point de gnomes, et pas trop de valseurs microscopiques. Il faut rendre justice aux hommes, ils sont aujourd’hui beaucoup moins laids qu’il y a dix ans. Encore dix années, et nous finirons par avoir des représentants présentables.

Parmi les femmes, il y avait bien çà et là quelques parures d’un goût bizarre. Plusieurs chapeaux rouges mirobolants et deux Iphigénies couronnées de roses et enveloppées de longs voiles blancs ; mais comme déguisement, c’était assez joli. Il y avait bien aussi une certaine robe de velours orange garnie d’une courte-pointe en dentelle qui faisait un peu trop d’effet ; mais cette robe était très-bien portée, et l’on se disait en admirant la femme qui en était parée : C’est sans doute quelque étrangère de distinction ; une élégante française ne s’exposerait jamais à paraître si belle dans un bal public.

Mais ce bal public se composait aussi d’une centaine de fêtes particulières, toutes brillantes et animées. Chaque loge était un salon qui avait sa maîtresse de maison, ses habitués et ses visiteurs. On allait tour à tour chez madame de chez la duchesse de ***, comme on y va tous les soirs ; seulement on n’avait pas les ponts à passer, et l’ennui de remettre et