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LE VICOMTE DE LAUNAY.

On nous envoie ce quatrain anonyme :

LE POËTE ET L’EMPEREUR.

Pleins de gloire, en dépit de cent rivaux perfides,
Tous deux, en même temps, ils ont atteint le but :
Lorsque Napoléon demeure aux Invalides,
Victor Hugo peut bien entrer à l’Institut.

Nous n’avons pu deviner le nom de l’auteur, ni reconnaître son écriture.


LETTRE DEUXIÈME.

Paris fortifié. — Paris bêtifié. — Les vieux et les jeunes rabâcheurs. — Qui est-ce qui voudrait être roi constitutionnel ? — Ce n’est pas vous ? ni moi.
24 janvier 1841.

Nous venons de la Chambre des députés, où nous avons entendu M. de Lamartine, et son discours a produit sur nous une impression si profonde, que nous ne pouvoirs plus penser à autre chose. Jamais le poëte ne s’est montré plus orateur ; jamais sa voix n’a paru plus sonore, son attitude plus fière, son regard plus noble, son accent plus passionné. Nous étions auprès d’un ancien député, homme fort spirituel, qui, avant le commencement de la séance, nous querellait un peu sur l’enthousiasme de nous et de nos amis pour M. de Lamartine. « Vous l’appelez, disait-il, notre premier orateur… — Eh bien ?… — Eh bien, je suis de votre avis, » nous dit-il à la fin de la séance. Et nous sommes revenu de la Chambre tout préoccupé de politique, rêvant malgré nous fortifications, enceinte continue et forts détachés, et nous nous sommes senti pénétré d’un orgueilleux effroi, car le projet de fortifier Paris nous semble une idée bien dangereuse.

Pour nous, cette question n’est pas seulement une question politique, une question de nationalité ; c’est une question de spiritualité, et nous voyons avec terreur un projet qui tend à étouffer dans Paris le règne naissant de l’intelligence. Selon nous, qu’on nous permette cette expression, Paris fortifié, c’est Paris bêtifié.

Soyez franc, connaissez-vous au monde une ville de guerre