semblons en rien aux auteurs modernes, le succès nous fait peur à nous, tant nous craignons de l’avoir mérité par de la complaisance ou de la flatterie.
Heureusement pour notre indépendance, notre définition des deux grands mondes, qui nous vaut tous ces compliments, nous a valu aussi quelques reproches. Les habitants du premier monde nous trouvent un peu démocrate ; les habitants du second monde nous soupçonnent d’être très-aristocrate au fond du cœur, ce qui est une compensation. Hélas ! nous ne sommes ni l’un ni l’autre. Nous sommes clairvoyant, voilà tout ; comme nous n’avons aucune passion, ou plutôt aucun préjugé politique, nous voyons les choses telles qu’elles sont ; nous ne sommes pas assez ingénieux pour déguiser les faits sous les phrases, nous ne sommes pas assez hardi pour nier systématiquement les vérités évidentes, et nous les reconnaissons toutes avec sincérité, même celles qui nous seraient désagréables. Aussi, quelles que puissent être notre sympathie ou notre répulsion, nous ne pouvons nous empêcher de constater deux choses incontestables, savoir : le prestige de la noblesse et la toute-puissance de la démocratie.
On ne fera jamais que des noms historiques ne soient pas des noms historiques. On ne fera jamais que des gens qui depuis cinq cents ans, plus ou moins, ont de père en fils exercé les plus nobles professions ne soient pas très-fiers de leurs souvenirs.
On ne fera jamais non plus que trente-trois millions de Français qui ont des prétentions, des ambitions, des intérêts à défendre, des droits à conquérir, qui s’agitent, qui pensent, qui calculent surtout, qui s’instruisent, qui travaillent, ou qui ne font rien, ce qui est plus terrible, car rien n’égale la dévorante activité des paresseux ; on ne fera jamais que ces trente-trois millions de Français consentent à se laisser mener toujours par quelques centaines de familles.
Il faut donc bien se résigner à voir le pays sans cesse tiraillé par ces deux forces rivales, par ces éternels ennemis qui se querellent depuis tant d’années et qui, tour à tour, se prennent et se reprennent le pouvoir.
Laissons-les se battre tranquillement. Eh ! mon Dieu, ils ne