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LE VICOMTE DE LAUNAY.

Quelle modération ! quelle dignité ! Aujourd’hui, on cherche les grands mots pour se plaindre ; alors, on ne les employait que pour admirer ! Si les devises ont perdu de leur naïveté et de leur mérite, les bonbons eux-mêmes sont aussi bien dégénérés ; ils sont maintenant plus prétentieux que jamais : ce sont des fleurs remplies d’anisette, des haricots au rhum, des dragées au café, des bergers de sucre, des ramoneurs, des nègres de chocolat ; les passants s’arrêtent devant les boutiques de confiseurs, éblouis de toutes ces merveilles. On est certain de trouver devant les magasins de Truchet et de Boissier le domestique en retard dont on attend le retour avec impatience ; il reste là fasciné par les corbeilles d’or remplies de fleurs en bonbons, et le bourreau tient audacieusement dans sa main la lettre qu’il doit vous rapporter, billet précieux d’où dépend le destin de votre journée ; un billet qui répond : « Oui, je viendrai dîner ; j’irai avec vous au spectacle ; » ou : « Je ne puis venir, etc., etc. » C’est devant la boutique des confiseurs que vous trouverez vos messagers, dans tous les quartiers de Paris. Il y en a de sincères qui vous demanderont honnêtement la permission de s’oublier. « Monsieur attend-il la réponse tout de suite ? — Non ; pourquoi ? — C’est qu’en revenant j’irais voir les passages… » Cela s’appelle ainsi : aller voir les passages, c’est-à-dire étudier les expositions de petite sculpture chez Susse dans le passage des Panoramas ; les cristaux éblouissants de Tyssot, dans le passage de l’Opéra ; les marchands de joujoux, les bijoutiers vrais ou faux ; toutes ces splendeurs de la nouvelle année, qui font ressembler les passages de la capitale aux galeries d’un palais des Mille et une Nuits. Cela vous explique pourquoi la circulation y est impossible, les badauds en chassent les acheteurs ; les passages sont envahis précisément par les personnes qui n’ont rien à y faire. Quelqu’un nous faisait remarquer, il y a peu de temps, comment l’étourderie et l’insouciance parisiennes se trahissaient à chaque pas dans les endroits publics, dans les spectacles, dans les promenades : ici tout est confusion et maladresse. À Londres, les gens qui marchent ont le bon sens de se diviser en deux colonnes, dont l’une monte et l’autre descend. Ici, jamais nous n’aurions cette idée ; on est si pressé, qu’on n’ose