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OU DEUX AMOURS

Deuxième parti : Avouer franchement qu’on avait eu du monde toute la journée et que l’on était en retard. Mais il fallait dire qui était venu et qui vous avait fait oublier l’heure. « C’est impossible ! pensait-elle, ils vont me taquiner tous ! » — Et elle maudit l’indiscret qui lui valait tant de soucis. « Il savait bien l’heure ; lui ! » se disait-elle. — Et, songeant à cela, elle le détestait.

Enfin, troisième parti : Faire attendre ses invités très-tranquillement, comme une personne innocente qui ne se croit aucun tort envers eux.

Ce fut celui pour lequel elle se décida.

On entendit le roulement d’une voiture dans la cour.

— C’est ma mère ! dit Marguerite, je suis perdue…

L’imminence du danger lui inspira une idée lumineuse. Elle courut dans le salon et elle retarda la pendule : elle la mit à six heures précises.

Ce moyen de salut n était peut-être pas très-sain pour la pendule. Eh ! qu’importe ce vain détail dans les grandes agitations de la vie ! Aussi défiez-vous des femmes chez qui les pendules vont toujours mal ; n’accusez pas leur horloger.

Madame d’Arzac voulut entrer chez sa fille, la porte était fermée au verrou.

— Tu n’es pas encore habillée ! dit-elle ; est-ce que tu es malade ?

— Non, ma mère, mais il n’est pas tard.

Elle n’aurait pas su mentir en plein regard de sa mère, mais à travers la porte et les verrous fermés, elle était brave.

Madame d’Arzac regarda l’heure.

— Ah ! ma chère, dit-elle, ta pendule t’a trompée ! Elle retarde d’une grande heure. Il était sept heures déjà quand je suis partie de chez moi.

— Vraiment ? dit Marguerite ; je vais me dépêcher.

Elle ouvrit la porte ; madame d’Arzac entra chez elle, et l’ayant regardée, elle fut frappée de sa beauté.

— Tu as bonne mine, mon enfant, lui dit-elle ; et elle l’embrassa.