Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 3.djvu/82

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
74
MARGUERITE

— Et qu’est-ce que tu lui as répondu ?

— Je n’ai rien voulu lui répondre… mais il a deviné. Il a dit : « Cela te chagrine bien, n’est-ce pas, que ta mère se remarie ? » C’est alors que j’ai pleuré, et j’ai dit : « J’ai peur qu’elle ne m’aime plus !… et lui… au lieu de me gronder comme grand’maman, il m’a embrassé et il m’a dit : « C’est très-gentil à toi, mon enfant, d’avoir tant de chagrin de ce mariage. Il faut pleurer comme ça jusqu’à ce que ta maman te dise : Je ne me marierai pas. »

— Mais, Gaston, s’écria madame de Meuilles, il ne faut pas l’écouter ; c’est pour rire qu’il t’a donné ce mauvais conseil, il s’est moqué de toi !

— En vérité, c’est absurde, pensait-elle, cet homme est fou !

Au même instant on annonça M. le comte de la Fresnaye.



IX.

— Ah ! vous le confessez, et il me dénonce, dit Robert en entrant ; je vois ça tout de suite.

Ce début fit sourire madame de Meuilles, malgré sa colère, et elle n’osa pas gronder Gaston qui, par un petit signe de tête, avait fait comprendre à M. de la Fresnaye qu’il avait deviné juste.

— Il me raconte tous les plaisirs de sa journée, répondit Marguerite : vous l’avez gâté…

— C’est un charmant enfant, reprit Robert, et nous nous aimons bien.

Gaston sauta à son cou, et M. de la Fresnaye l’embrassa avec une si vive tendresse que Marguerite se sentit rougir.

— Va, M. Berthault t’attend, dit-elle à son fils ; et Gaston s’en alla en jetant à M. de la Fresnaye un regard mélancolique.

— Quelle créature adorable que cet enfant ! s’écria Robert. À présent qu’il n’est plus là, je puis vous dire à quel point il a été aimable avec nous ; plein d’esprit, de tact et même de profondeur, ajouta-t-il en riant ; oui, il m’a dit un mot digne de