Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 3.djvu/80

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
72
MARGUERITE

fils à un inconnu. Le monde des convenances a des raffinements de délicatesse si ingénieux ! On petit confier son fils à un vieil ami de la maison, que l’on connaît depuis dix ans pour un mauvais sujet capable de tout, mais à un jeune étranger qui lui a sauvé la vie et que vous ne connaissez que pour ça !… oh ! c’est bien léger !…

À trois heures Gaston revint.

— Maman, voyez donc le beau bouquet ! Il faut tout de suite le mettre dans l’eau. Je l’ai cueilli moi-même !

Et Gaston entra dans le salon, entièrement caché par une énorme massé de fleurs ; on n’apercevait plus que ses petites jambes : il ressemblait à ces légumes enchantés des ballets féeriques, ces choux énormes qui marchent, dansent des pas, et s’entr’ouvrent pour laisser sortir un Amour.

Madame de Meuilles prit le bouquet, et, l’admirant, elle dit :

— Ce n’est pas possible, tu n’as pas pu cueillir ces fleurs-là toi-même ; il faudrait parcourir une douzaine de serres pour trouver et réunir des plantes de cette rareté.

— Mais puisqu’il a un grand jardin tout en fenêtres ! reprit Gaston.

M. Berthault, confirmant l’explication donnée par Gaston, raconta qu’ils avaient déjeuné dans une espèce de jardin d’hiver d’une construction fort ingénieuse, rempli d’arbustes de toute beauté et de plantes admirables. M. Berthault, qui croyait aux savants et aux gouvernements, ajouta : — Je ne pense pas qu’il y ait rien de plus beau au jardin des Plantes… dans cette saison.

Il fit cette réserve par respect pour les magnificences officielles.

— T’es-tu bien amusé, Gaston ? demanda madame de Meuilles.

— Oh ! maman, il y avait la petite voiture aux chèvres, et nous n’étions que deux pour jouer, j’étais toujours le cocher. Il y avait un petit poney très-doux, très-sage ; j’ai monté dessus, j’ai été au galop !… et M. de la Fresnaye dit que je monterai très-bien à cheval… Il y avait deux gazelles, elles ne sont pas sauvages ! Ah ! si vous aviez vu comme ailes m’ont aimé vite !… Il y avait des poissons rouges et des oiseaux verts, des petits