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MARGUERITE

idées de départ et de mariage l’irritaient ; elle savait bien que ces deux événements étaient décidés, qu’ils auraient lieu, que c’était convenu, mais elle ne voulait pas qu’on en parlât.

C’était une bien grande puérilité, n’est-ce pas ? mais la pauvre Marguerite n’était pas en état de faire cette réflexion critique. Elle souffrait, mais elle ne savait pas encore analyser sa souffrance.

Étienne arriva. Elle l’accueillit avec une joie fiévreuse, comme un malade reçoit un médecin fameux qui peut le guérir. Elle devinait qu’Étienne allait dissiper son anxiété. Madame d’Arzac déclara à son neveu les nouveaux projets arrêtés relativement à son mariage ; elle lui apprit que l’appartement qu’il avait tant maudit était prêt. Son bonheur ne dépendant plus de la promptitude qu’on mettrait à disposer cet appartement, Étienne ne s’en occupait plus. Il parut étonné ; mais sachant que les ouvriers d’un même patron se réunissent quelquefois tous ensemble pour finir un travail arriéré, il s’expliqua cette hâte par l’impatience qu’il avait témoignée, et il ne soupçonna aucune ruse. Il accepta les quinze jours de retard sans trop murmurer, se promettant de les abréger, autant qu’il serait possible.

Ou parla de M. de la Fresnaye, de sa personne et de son esprit, et madame d’Arzac fit de lui un éloge terne et vulgaire qui rassura Étienne et lui plut beaucoup : C’était, disait-elle, un homme très-simple, moins séduisant, mais bien meilleur qu’on ne le disait ; elle ne comprenait pas qu’il eût tourné tant de têtes, mais elle comprenait qu’on eût pour lui de l’estime et de l’affection. — J’avais de grandes préventions contre lui, disait-elle, mais il m’en a fait revenir.

Puis, après l’avoir complètement démoli, elle ajouta : — Il gagne à être connu.

Enfin, à ses yeux, M. de la Fresnaye, ce n’était plus le séducteur à la mode, non… ce n’était plus que le sauveur de son petit-fils ; c’était bien peu, il n’y avait plus là de quoi tant s’inquiéter.

— Et pourquoi n’a-t-il pas dit plus tôt que c’était lui qui avait tué cette louve ? demanda Étienne.

— Ah ! c’est vrai, s’écria Marguerite, il était venu ce matin