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OU DEUX AMOURS

tions, et elle commençait à penser que madame d’Arzac pourrait bien avoir raison et que l’inconnu était M. d’Héréville.

On fit les préparatifs du départ. Étienne était si joyeux, que sa joie gagnait tout le monde.

— C’est la première fois, disait madame d’Arzac, que j’ai tant de plaisir à quitter la Villeberthier ; et pourtant c’est dommage, ce pays-ci n’est jamais plus beau que dans cette saison.

— Moi, reprenait gaiement Étienne, je n’appelle pas un beau pays un pays où l’on ne peut pas se marier.

— Mais ce n’est pas la faute du pays, c’est celle de votre père, qui ne peut pas y venir. Avouez que si cela avait été possible, vous auriez préféré, comme nous, que la noce se fît au château !

— Eh bien, non ! on est plus caché à Paris. Paris, c’est la ville du bruit et du mystère. Ah ! je voudrais déjà être en route !

— C’est ce pauvre Gaston qui est fâché de quitter ses moutons, ses vaches et ses chevreaux !

— Moi, pas trop, dit l’enfant ; je suis curieux de revoir Paris.

— Et pourquoi donc ?

— J’ai mon idée…

Et il regarda sa mère, qui lui fit signe de ne rien dire.

— Qu’est-ce que c’est donc ? demanda Étienne ; tout de suite inquiet.

— Rien… reprit Marguerite, un enfantillage ; nous vous raconterons cela à Paris.

On partit le jour suivant. Avec quelle tendresse Étienne s’occupa de tous les soins du voyage ! Après une si longue maladie, Marguerite avait besoin encore de grands ménagements. Il faisait trop chaud le jour, il faisait assez froid le soir ; il fallait parer aux inconvénients de tous les climats, et Étienne n’oubliait rien ; il trouvait mille moyens ingénieux pour rendre la voiture plus agréable, plus douce, plus commode. Cette pensée qu’il se répétait à chaque instant : « Quand nous reviendrons ici dans un an, Marguerite sera ma femme ! » cette pensée délicieuse lui donnait le délire ; et tout en faisant les préparatifs du départ, il songeait déjà aux prochains arran-