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MARGUERITE

Quant à Marguerite, elle l’avait complètement oublié. Oh ! comme toutes ces craintes vagues, ces impressions inexplicables étaient bien effacées le lendemain, lorsque Gaston entra dans sa chambre. La visite à Bellegarde n’était plus qu’un souvenir lointain, un songe ennuyeux que l’aurore brillante avait fait disparaître. M. de la Fresnaye était encore moins que cela, c’était le héros insignifiant d’un roman médiocre qu’on avait lu pour s’endormir… Un peu de fatigue pour une longue course en voiture, voilà tout ce qui restait des émotions de la veille.

— Bonjour, maman, dit le gracieux enfant en embrassant sa mère ; vous allez être bien contente, je sais qui !

— Comment, qui ? Que sais-tu donc ?

— Je sais le nom de mon sauveur ! le garde champêtre vient de nous le dire : c’est M. le comte de la Fresnaye.

À ce nom, toutes les impressions effacées se ranimèrent.

Marguerite garda le silence ; elle n’osait plus questionner son fils, et l’enfant continua de répéter ce qu’on avait raconté devant lui.

— Le comte de la Fresnaye ! Il a été obligé de faire tuer son chien, que la louve avait mordu, et ça lui a fait bien de la peine : c’était un fameux chien ! quand il avait regardé une perdrix, c’était fini, elle restait là comme s’il l’avait changée en pierre. Il n’y avait pas son pareil dans les chenils de Chantilly.

Comme il parlait encore, madame d’Arzan entra.

— N’est-ce pas, grand’mère, dit Gaston, que l’on sait le nom du chasseur qui m’a sauvé ?

— Oui, répondit madame d’Arzac d’un air triomphant, c’est M. d’Héréville.

— Eh ! mais, qu’est-ce que tu disais donc, toi ? s’écria Marguerite avec un peu d’impatience… Elle ne s’expliquait pas cela, mais elle était contrariée que ce ne fût plus M. de la Fresnaye.

— Je disais que c’est le comte de la Fresnaye, reprit l’enfant, parce que le garde champêtre nous l’a assuré.

— Tu as mal compris : il a parlé de M. de la Fresnaye, mais seulement comme de l’un des compagnons de chasse de M. d’Héréville.