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OU DEUX AMOURS

naye. Il était parfaitement étranger à ces lutins familiers du logis qui se nichent dans vos rideaux, dans vos tentures et dans vos corbeilles de fleurs. Aussi, dès que son fantôme se présenta à la porte, fut-il chassé par eux outrageusement. Étienne, au contraire, fut accueilli par ses fidèles sujets en roi bien-aimé.

Cette soirée, commencée si tristement, se termina d’une façon charmante. Marguerite était de la plus aimable humeur, elle avait une gaieté vivace et fiévreuse qui l’embellissait encore : c’était la joie folle d’un poltron sauvé, échappé à quelque grand danger. Elle était si complètement rassurée qu’elle devint brave, même imprudente. Elle raconta hardiment, et sans aucun trouble, qu’un moment elle avait cru rencontrer le libérateur de son enfant chez la duchesse de Bellegarde.

— Qui était-ce donc ? interrompit Étienne.

— Nous avons cru un moment, ma mère et moi, que c’était M. de la Fresnaye, parce qu’on disait qu’il avait…

Mais elle n’acheva pas. À ce nom, Étienne avait pâli si affreusement que Marguerite s’était arrêtée inquiète.

— Ce n’est pas lui, Dieu soit loué ! reprit madame d’Arzac ; car j’aurais été bien fâchée de devoir de la reconnaissance à cette espèce de fat.

— Robert de la Fresnaye était donc chez la duchesse ? demanda Étienne dès qu’il eut recouvré-là voix ; vous m’aviez dit qu’il n’y avait personne chez elle !

— Oh ! lui ce n’est personne, reprit madame d’Arzac d’un ton sec ; vous savez bien qu’il est de la maison.

C’était de mauvais goût ce qu’elle disait là, mais elle tenait à constater, devant sa fille, les engagements de Robert.

Pourquoi ? Elle ne s’en rendait pas compté : c’était par instinct.

— Grâce à lui, nous avons appris une circonstance, qui nous mettra sur la voie ; ajouta-t-elle ; bientôt, nous saurons le nom de l’inconnu.

— Quelle circonstance ?

— Nous vous apprendrons cela après nos recherches.

— Ce qui m’étonne, dit Marguerite, c’est que madame de Bellegarde ne m’ait pas du tout parlé de cet accident.