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LE PALAIS DE LA VANITÉ

— Un éléphant ! dit-il ; qui a pu demander à être changé en éléphant ? parions que c’est une fourmi !

Et le jeune étranger ne put s’empêcher de rire de cette réflexion.


Cependant le vieillard se trompait ; ce n’était point une fourmi qui avait désiré être changée en éléphant, c’était un lapin. Il venait d’obtenir à l’instant même cette insigne faveur, dont il était encore tout boursouflé.

Il se promenait lourdement d’un air d’importance, et recevait avec protection les compliments que chacun lui adressait sur sa nouvelle promotion.

Le mendiant, ayant appris son histoire, s’avança vers lui familièrement : — Bonjour, mon petit lapin, lui dit-il ; eh bien, comment te trouves-tu de ta grosse enveloppe ?

L’éléphant fut très-choqué de ce ton léger ; mais le peu d’habitude qu’il avait de sa trompe l’empêcha de chercher à se venger.

— Fort bien, répondit-il, comme vous voyez. Et l’éléphant se pavanait.

— As-tu longtemps sollicité cette faveur ? dit encore le mendiant avec malice.

— Non, reprit l’éléphant, quelques jours seulement ; comme vieux lapin, j’y avais des droits incontestables. Je n’ai vraiment changé que de taille : ma couleur est restée la même ; mes oreilles, au lieu de se tenir droites, sont maintenant tombantes, voilà tout.

— L’imbécile ! pensait le mendiant ; il ne se croit pas même changé.

— Dites-moi, mon cher, demanda à son tour Alméric, qui s’amusait de la niaiserie du lapin, est-ce que cela ne dérangera pas un peu vos habitudes ?

— Vous m’y faites songer, répondit l’éléphant, frappé subitement de la justesse de cette idée ; j’ai peur que cela ne me gêne ce soir pour rentrer dans ma tanière.

Cette fois il n’y avait plus moyen d’y tenir, et le jeune étranger ne put s’empêcher de rire de cette réflexion.