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LE PALAIS DE LA VANITÉ

eh bien, je te le rends ; car il faut être niais comme toi pour rester en guenilles à la porte d’un palais où tu n’aurais qu’à désirer un habit pour être mis comme un prince !… Tu ne sais peut-être pas lire ?

— Moi ? si vraiment, répondit le vieillard, je sais lire, même l’écriture en rubis.

— Eh bien, tu n’as donc rien à désirer, que tu n’entres pas dans ce palais ?

— Si vraiment, je désire plus d’une chose ; mais non pas de celles qu’on y donne.

Le vieillard avait un air si malin en disant cela, que le voyageur se défia de lui.

— Il me tend quelque piège, pensa-t-il ; et il se disposait à s’éloigner.

— N’ayez pas peur ; il ne vous arrivera rien de fâcheux dans ce palais, reprit alors le mendiant. Les malheurs n’existent là que pour ceux qui les demandent : croyez-moi, vous pouvez y entrer.

— Oui, mais pourrai-je en sortir après ?

— Sans doute, répondit le mendiant, si vous n’y trouvez rien à désirer.

Le jeune homme hésitait ; il voyait beaucoup de personnes passer sur la route et pas une n’avait l’idée d’entrer dans ce palais. Cela lui sembla suspect, et il s’alarmait.

— Ce palais est-il maudit des voyageurs ? D’où vient que pas un n’y pénètre ?

— C’est qu’ils en ont entendu parler ; ils savent qu’on s’y ennuie, et chez nous on n’aime qu’à s’amuser.

Comme le voyageur était curieux de visiter ce monument : — Écoutez, lui dit le mendiant, si vous voulez me donner de quoi acheter une bouteille de bon vin, je me dévoue et j’entre avec vous là dedans. Nous y rirons ensemble des imbéciles qui y demeurent.

— Volontiers ! s’écria le jeune homme.

Il donna une pièce de monnaie au mendiant, et tous les deux se dirigèrent vers la porte.

Elle était de cristal, et permettait de voir dans l’intérieur la cloche qu’il fallait sonner pour se faire ouvrir.