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LE CHIEN VOLANT.

duite ; il l’aida à retourner au château ; il eut soin de lui, envoya chercher un chirurgien pour guérir les contusions qu’il s’était faites en tombant ; puis, résolu de cacher sa tristesse à sa mère, il alla finir sa journée chez la fée sa protectrice, et savoir d’elle s’il n’y avait pas un moyen de ramener le chien volant.

— Hélas ! mon cher Léon, dit la princesse, je ne puis rien te promettre. Le chien volant ne redescendra sur la terre que lorsque, abattu de fatigue, ses ailes ne pourront plus le soutenir. Mais qui peut savoir sur quelle terre il descendra ?… Peut-être sera-ce en Chine, au Pérou, en Égypte, à Golconde ! Pourvu que ce ne soit pas à Paris !…

— À Paris ! répéta Léon ; oh ! j’aimerais mieux cela ; je pourrais au moins le retrouver.

— Enfant, dit la princesse, tu oublies donc la leçon que je t’ai donnée ? Si ton pauvre chien est surpris à Paris avec les ailes déployées, il est perdu : Paris est le tombeau des merveilles, et comment une merveille pourrait-elle vivre chez des gens qui n’aiment point à s’étonner, chez des gens qui cherchent le pourquoi de toutes choses, qui nomment illusions tout ce qui n’est pas calcul, pour qui l’admiration est une fatigue, et qui se dédommagent de l’admiration momentanée que leur inspire une merveille en l’expliquant bien vite par une vulgarité. Si le chien volant est à Paris, Léon, oublie que tu l’as possédé, car tu ne le reverras plus. Qui sait ? peut-être est-il déjà la proie de la science ! peut-être déjà l’a-t-on expliqué ; peut-être l’Académie des sciences sait-elle déjà à quoi s’en tenir sur les particularités anatomiques de cet animal curieux. Ah ! mon enfant, pour l’être dont l’âme est susceptible d’enthousiasme et de grandeur, mieux vaut tomber dans une île inconnue, chez les sauvages, que tomber vivant parmi les beaux esprits de Paris !

Ce discours n’était point de nature à rassurer Léon sur le sort du chien volant. Il revint chez sa mère plus triste qu’avant de s’être rendu chez la fée.

Il passa plusieurs semaines dans le découragement, et sa mère, le voyant si abattu, ne comprenait pas qu’un enfant éprouvât une peine si grande de la perte d’un simple chien.