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LE CHIEN VOLANT.

Léon pâlit, et son père fut frappé de sa tristesse. Le pauvre enfant, par un mouvement de crainte involontaire, ne voyant pas Faraud à ses côtés, courut le chercher dans sa chambre ; il trouva Faraud couché sur le coussin de sa bergère comme tous les jours ; mais il n’en éprouva pas moins une vive inquiétude.

À dîner, l’air moqueur et méchant de Henri le frappa : il ne cessait de lui lancer des épigrammes qui le remplissaient de terreur. M. de Cherville parlait-il de ses voyages : — Léon aussi aime beaucoup à voyager, disait Henri d’un air malin ; mais ce n’est pas, comme vous, sur mer qu’il voyagerait de préférence ; ce serait plutôt… Puis il s’arrêtait en regardant Léon d’un œil perçant : — Ce serait sur terre, n’est-ce pas ?

Et Léon ne pouvait supporter la malice de son sourire.

Il vit bien que Henri était sur le point de deviner son secret, si toutefois même il ne l’avait pas déjà deviné.

Léon passa la nuit dans la crainte ; il ne cessait de caresser le bon Faraud. Souvent, saisi de pressentiment, il le regardait avec tristesse comme un ami qu’il faut quitter, comme un objet chéri qu’on va nous arracher, que nous admirons pour la dernière fois. Hélas ! un cœur passionné n’a-t-il pas raison de s’épouvanter quand son ennemi a regardé ce qu’il aime !


CHAPITRE DOUZIÈME.

JE VOUS L’AVAIS BIEN DIT !


Cependant l’oncle de Henri parlait de leur prochain départ : on était au 28 septembre, et l’oncle ponctuel devait retourner à Paris le 1er  octobre. Les portes de la ville eussent été fermées, les rues de Paris une autre fois, c’est-à-dire une troisième fois barricadées ; on aurait dû l’y accueillir à coups de fusil, à coups de canon, rien ne l’aurait empêché de faire son entrée. Il avait dit : — J’arriverai le 1er  octobre !

Ce n’était point Léon qui se moquait de cette exactitude, il l’appréciait plus que personne ; seulement, il regrettait que