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LE CHIEN VOLANT.

l’aller voir ; mais comme il me faudra quelque temps pour ce voyage, dites à ma mère que vous désirez me garder près de vous, ici, pendant plusieurs jours. J’irai seulement voir mon père ; j’aurai le courage de ne point lui parler, de ne point l’embrasser ; je ne trahirai pas mon secret, mais je le verrai. Oh ! je suis si impatient de le revoir !

La princesse, touchée de cette impatience, écrivit à madame de Cherville qu’elle la conjurait de lui confier Léon pendant deux ou trois jours pour tenir compagnie à un de ses neveux qui venait d’arriver chez elle ; et madame de Cherville consentit à cette prière.

Léon profita du prétexte donné à son absence, et partit le soir même pour Toulon, monté sur le chien volant.

La route lui parut bien longue. Le lendemain matin, il s’arrêta à Lyon pour déjeuner et faire reposer son pauvre chien. Il y passa toute la journée, et se promena par la ville, suivi de son fidèle compagnon, qui trottait dans les rues sur ses quatre pattes, tout comme un autre chien. Faraud était semblable à un grand acteur qui se montre fort terre à terre, fort bourgeois, fort commun et quelquefois trivial dans ses habitudes ; puis qui tout à coup apparaît rayonnant de splendeur, de majesté, le bras en l’air, le pied en avant, la tête en arrière, l’air noble et superbe, relevant son casque avec fierté, son manteau avec orgueil, et ne rappelant plus en rien ce même individu crotté qui, le matin, barbotait sur les boulevards avec des socques boueux et un parapluie tout en larmes.

Faraud, de même, barbotait le jour dans les ruisseaux ; puis, chaque soir, il s’élevait dans les nues : malheureusement il n’avait aucun public pour l’admirer.

Léon arriva à Toulon le troisième jour, c’est-à-dire la troisième nuit, car il descendit sur terre avant le lever de l’aurore, dans la crainte d’être aperçu.

Quelle que fût son impatience de revoir son père, Léon savait être prudent ; il immolait son cœur lui-même à sa pensée dominante : son secret… Ah ! c’est cela qui forme le caractère d’un enfant !

En effet, ne fallait-il pas avoir bien de la tenue, de la con-