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MARGUERITE

nelle pour avoir subi la fatale influence de l’amour, que le métal pour avoir obéi à la puissance du feu. J’admets la faute ici comme j’admets le phénomène là, sans les juger, sans les flétrir, et j’avoue aussi sans les comprendre.

— Ainsi, vous imaginez que madame de Bellegarde, qui aime son mari, peut aimer un autre homme ?

— Je n’imagine pas, je vois.

— Alors c’est une femme bien étrange.

— Mais ce n’est pas la première femme à qui ce malheur arrive.

— Mais, ma mère, vous qui parlez de ce double amour avec tant de sang-froid, vous en auriez été incapable. Vous me disiez un jour : « Je suis bien aise de n’avoir eu qu’un seul enfant, je n’aurais pas aimé à partager la tendresse que j’ai pour toi. »

— Ah ! moi, c’est autre chose, et je ne juge pas le monde d’après moi. Certainement je serais incapable de diviser mon pauvre cœur, mais cela tient à la misère de ma nature. Je suis solitone, selon la méthode de Charles Fourier ; je ne suis faite que pour une seule passion : l’amour maternel. Voilà pourquoi je n’ai jamais pu éprouver un autre amour. Que veux-tu, la duchesse est peut-être duétone.

Marguerite resta un moment rêveuse, puis elle demanda :

— Quel est le héros de cette grande passion ?

— Robert de la Fresnaye.

Ce nom était magique. Il expliquait les anomalies les plus singulières, les plus inconcevables changements ; c’est comme si, du temps de Louis XIV, on avait dit d’une femme : « Elle aime le roi ! »

Marguerite répondit à ce nom terrible par un : Ah ! qui voulait dire : Vous m’en direz tant ! — C’est lui, dit-elle, qu’on a surnommé Lovelace corrigé ?

— Oui, seulement il n’est ni l’un ni l’autre : il n’est pas si séduisant que Lovelace, et il n’est pas corrigé du tout.

— On le dit cependant très-beau, très-spirituel, très-élégant.

— Tu ne l’as donc jamais vu ?

— Non. Depuis mon mariage, j’ai toujours été malade ou en deuil ; je ne suis allée nulle part, et je ne le connais pas.