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LE CHIEN VOLANT.

et la Seine un long ruban jaune et sale qui tenait ensemble toutes les maisons.

Il commençait même à distinguer le pavillon chinois de la princesse, et la princesse elle-même, qui, avec sa robe de mousseline blanche, avait l’air d’un cygne.

Peu à peu, il la vit qui lui tendait les bras, tant elle était en peine de lui ! car la bonne fée avait été fort inquiète de l’absence si prolongée de Léon.

Ayant reconnu sa maîtresse, le chien alla s’abattre à ses pieds, et Léon sauta à terre avec un empressement que l’on comprendra aisément.

— Me voilà enfin ! s’écria-t-il. J’ai failli ne plus vous revoir : j’avais oublié le mot magique… mais je m’en souviendrai toujours maintenant !

— Tu es un enfant courageux, dit la princesse en embrassant Léon ; tu es digne de posséder une merveille. Mais il est tard : retourne chez ta mère ; elle doit t’attendre depuis longtemps. Va…

— Et mon chien ? interrompit Léon. N’emmènerai-je pas mon chien. ?

— Tu l’aimes donc encore, malgré les dangers qu’il t’a fait courir ?

— Sans doute, sans doute ; je ne crains plus rien maintenant. Oh ! j’aurai bonne mémoire. Allons, viens, toi, ajouta Léon en s’adressant au chien volant qu’il entraînait avec lui ; puis il s’arrêta. — Je ne sais pas son nom ; comment l’appelez-vous, madame ?

— On l’appelle ici le Chien volant, répondit la princesse ; mais il faut lui donner un autre nom, car, avant tout, mon enfant, tu dois cacher à tout le monde que ton chien a des ailes. Tu ne dois t’envoler avec lui que la nuit, à moins que ce ne soit dans ce jardin où l’on ne peut te voir.

— Quoi ! je ne le dirai pas à maman ?

— Ni à ta mère, ni à personne.

— Pas même à Henri ? ajouta Léon avec humeur.

— Qu’est-ce que Henri ? lui demanda la princesse.

— Henri, c’est mon camarade de collège : il a treize ans ; il est plus grand que moi… son oncle lui a donné un fusil….