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LE CHIEN VOLANT.

inutiles, puisqu’il n’y avait là personne qu’elles pussent attendrir ; et retrouvant son courage, il se dit qu’au lieu de perdre son temps à se désoler, il valait bien mieux rassembler toutes ses idées pour se rappeler le mot qui devait le ramener sur la terre et le tirer de tout danger.

Alors il se fit dans sa petite tête un travail de mémoire digne d’un cerveau de savant, de mathématicien. — Je le savais il y a deux heures, ce mot fatal, se disait Léon, quand il m’était inutile ; et maintenant que ma vie dépend de lui, je ne pourrais me le rappeler ! Ah ! cela serait trop malheureux ! Allons, allons, cherchons bien : Allabro !… Allabrero !… Almabaro !… Altabro !… Ah ! j’en approche !

Léon s’exerça tout haut de la sorte pendant un quart d’heure ; si, par hasard, quelqu’un avait passé par là, il eût été fort surpris d’entendre ce petit bonhomme qui se parlait ainsi tout seul dans les airs.

À force de le chercher dans sa mémoire, il trouva enfin le mot magique.

Aldaboro !… s’écria-t-il le cœur rempli de joie et même de fierté, car il était orgueilleux de s’être tiré de danger lui-même. Une voix qui lui aurait soufflé le mot sauveur, en lui ôtant le mérite de le trouver lui seul, l’aurait contrarié.


CHAPITRE SEPTIÈME.

LE NOM.


Quel plaisir Léon éprouva en voyant le chien volant obéir à son commandement ! Le chien descendait rapidement sur la terre, et Léon lui caressait doucement les ailes, tant il était content de lui !

Bientôt Léon découvrit les objets, d’abord imperceptibles : Paris n’était plus un petit tas de pierres, mais un gros tas de maisons ; les grands arbres n’étaient plus des touffes d’herbe ; la colonne de la place Vendôme ne lui semblait plus un poteau ; les tours de Notre-Dame, deux bâtons de cire noire à cacheter,