Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 3.djvu/385

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
377
LE CHIEN VOLANT.

La fée, les voyant bien disposés tous deux, prononça le mot magique que le chien attendait pour s’envoler.


NASGUETTE !
NASGUETTE !…


s’écria la princesse.

Et au même instant, prodige inconcevable ! le chien ouvrit de larges ailes que son vilain poil dissimulait, ses yeux ternes devinrent rayonnants comme des émeraudes, ses membres se déployèrent avec majesté, sa queue se redressa en trompette, ses pattes s’étendirent, ses ongles s’allongèrent : ce n’étaient plus les ergots d’un pauvre chien, c’étaient plutôt les serres d’un aigle.

Il s’éleva, s’éleva dans les cieux, noble et terrible, faisant bruire ses larges ailes, qui frappaient les airs en cadence : ce n’était plus un chien… c’était un phénix, un condor !

Rien n’était plus imposant que ce spectacle. ; rien n’était plus beau à voir que cet animal, plein d’ardeur, planant dans l’espace avec fierté, en emportant sur ses ailes cet enfant dont la tête expressive se dessinait en noir sur l’azur embrasé des cieux… Le petit nègre avait un collier de diamants que le soleil faisait briller : rien n’était plus beau, croyez-moi.

Léon était ébahi ; il regardait, il admirait, il était ravi, il avait peur, il ne savait plus que penser.

— Eh bien, lui dit la fée, jouissant de sa surprise, trouves-tu encore que ton chien soit trop grand ?

— C’est un oiseau !… s’écria Léon, et le plus bel oiseau du monde !

— N’importe ! le trouves-tu trop grand ?

— Oh ! non, reprit Léon ; s’il était plus petit, comment pourrait-on le monter ?

— Ah ! ah ! dit la fée, tu vois donc bien que j’avais raison ; je parie que tu ne le trouves plus si laid ?

— Au contraire, jamais je n’ai rien vu de si admirable. Ce n’est pas un chien, c’est un prodige !