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MARGUERITE

consacrer à l’amour, ce tant douloureux jour, consacrons-le au devoir.

— Et à quel devoir ?

— Allons à Bellegarde, chez cette bonne duchesse qui est venue tant de fois elle-même savoir de tes nouvelles quand tu étais si malade. Je n’oublierai jamais comme je l’ai vue pleurer le jour où nous t’avons crue perdue. Je l’aimerai toute ma vie pour ces larmes-là… Allons, viens ; tu lui dois bien ta première visite.

Marguerite ne répondit pas, mais sa physionomie disait qu’elle se souciait fort peu de cette visite. Sa mère remarqua cette timide répugnance.

— Est-ce que tu en veux à la duchesse ? dit-elle.

— Moi ! non vraiment. Je la trouve charmante, au contraire.

— Eh bien ?

— Je l’aime beaucoup, je la crois noble, généreuse ; mais je suis toujours triste quand je l’ai vue.

— Pourquoi donc ?

— Elle est si belle ! quand je la regarde, j’envie horriblement sa beauté, et je me sens découragée à jamais.

— Quelle folie ! tu es cent fois plus jolie qu’elle.

— Ah ! ma mère, la duchesse de Bellegarde est la plus belle femme de Paris !

— C’est cela qui lui fait tort, elle est trop belle ; c’est une déesse, et il n’y a rien de moins séduisant que les déesses ! De tout temps, on leur a préféré les nymphes, et l’on a eu bien raison. Elle est belle sans originalité, elle a des yeux noirs et des cheveux noirs comme tout le monde. Toi, tu as de beaux yeux noirs avec de magnifiques cheveux blonds ; c’est très-rare. Il lui manque ce je ne sais quoi qui attire, qui attache, qui trouble… ce charme que tu possèdes au suprême degré.

— Ce je ne sais quoi… que j’ai pour vous, ma mère, c’est que je suis votre fille, et je pense que si la duchesse avait ce je ne sais quoi, vous la trouveriez ravissante.

— Peut-être ! Mais maintenant que tu m’as avoué que sa beauté te faisait envie, je brûle de la revoir pour lui chercher des défauts ; viens donc, je veux absolument aller l’étudier aujourd’hui… Ah ! j’en trouverai !