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LA DANSE N’EST PAS CE QUE J’AIME.

Mais Aglaure, qui voyait que son père ne pouvait s’empêcher de sourire en disant cela, se redressait promptement. — Moi ! non vraiment, reprenait-elle ; je compte bien danser toute la nuit.

Et M. Bremont, pour lui donner quelques moments de repos, allait dire aux musiciens de jouer une valse ; Aglaure, ne sachant pas encore valser, pouvait alors s’asseoir quelques instants.

Elle espérait toujours que les danseurs l’oublieraient, ou bien que plusieurs d’entre eux seraient forcés de s’en aller pour reconduire leurs sœurs ou leurs mères :  ; car déjà quelques jeunes personnes avaient quitté le bal. Aglaure les voyait partir avec envie ; tandis qu’elles mettaient leurs manteaux et s’éloignaient : — Qu’elles sont heureuses ! pensait Aglaure, elles vont se coucher et dormir…

Chaque fois qu’elle reconduisait une femme, elle prolongeait les adieux de politesse, espérant que les contredanses étant commencées, elle pourrait en manquer une au moins ; mais les danseurs étaient implacables : ils la poursuivaient jusque dans l’antichambre et la ramenaient impitoyablement à sa place.

Cette musique bruyante et continuelle, jointe à la fatigue qui l’accablait, commençait à l’étourdir. ; elle voyait tourner tous les objets ; son regard était troublé. Le sommeil, auquel elle refusait de s’abandonner, engourdissait toutes ses pensées ; elle ne savait plus bien où elle se trouvait. Cette danse éternelle lui semblait un cauchemar pénible, auquel elle ne pouvait se soustraire. Elle se sentait oppressée. Ces mots fatigants retentissaient comme une condamnation à ses oreilles :

À vos places !
La chaîne anglaise !
Balancez à vos dames !
En avant deux !
La main droite !
La queue-du-chat !
La pastourelle !
Chassez les huit !