Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 3.djvu/365

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
357
LA DANSE N’EST PAS CE QUE J’AIME.

voyait avec envie les petits garçons qui se bourraient de brioches, de biscuits, de meringues, de gâteaux de toute espèce : il y en avait un surtout qui mangeait tant, qui était si heureux, qu’il en étouffait.

Il fallut quitter ce beau repas, et aller recommencer un nouveau bal sans s’être reposée du premier, sans avoir pu seulement s’asseoir un seul instant pour souper. Cela était bien cruel ; mais Aglaure se souvenait d’avoir dit qu’elle danserait trois jours et trois nuits sans se fatiguer, or il n’y avait pas seulement encore un jour qu’elle dansait, et Aglaure avait bien trop d’orgueil pour crier merci.


CHAPITRE DEUXIÈME.

LE GRAND BAL.


En entrant dans la salle de bal, Aglaure fut ravie du beau coup d’œil qu’elle présentait. À peine âgée de douze ans, Aglaure n’avait jamais vu d’autres fêtes que de petites fêtes de village et quelques bals d’enfants ; c’était la première fois qu’elle voyait tant de lustres, tant de dorures, tant de lumières et tant de fleurs. Elle en fut éblouie ; elle était toute glorieuse d’être admise dans un vrai bal : cela seul la vieillissait de quatre ans, ce qui l’enchantait.

Tout à coup elle se sentit prise d’un souverain mépris pour ses compagnes qui étaient restées, dans l’autre chambre, à manger des pâtisseries, comme des enfants turbulents qui ne sont bons à rien qu’à gêner les grandes personnes dans leurs plaisirs, et à couvrir de confitures les meubles dorés d’un salon. Combien elle était fière de n’être plus avec elles ! Quel dédain elle ressentait pour ce mauvais goûter de petites folles, pour ces misérables gâteaux qui tout à l’heure faisaient l’objet de son envie ! Elle ne comprenait plus comment elle avait pu un seul moment regretter tout cela. Il avait failli bien peu de temps pour changer ainsi toutes ses idées, toutes ses manières et je dirai même toute sa personne. Ceux qui venaient de la