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LA DANSE N’EST PAS CE QUE J’AIME.


CHAPITRE PREMIER

LE PETIT BAL.


Aglaure Bremont était une petite fille spirituelle et assez aimable, mais elle avait un défaut qui la rendait si commune et quelquefois si désagréable qu’on ne pouvait l’écouter sans impatience. Ses discours étaient exagérés, au point qu’on éclatait de rire en les écoutant. — Moi, disait-elle, j’irais d’ici à Orléans sans me reposer ! — Or il y a cent vingt kilomètres, comme vous le savez, de Paris à Orléans.

— Demain, disait-elle encore, je me lèverai de bonne heure, et j’aurai fait douze verbes anglais avant le déjeuner.

Son père, ennuyé de ce défaut ridicule, résolut de la corriger. Un jour qu’elle s’écriait dans son langage ordinaire : — Oh ! que j’aime la danse ! je danserais trois jours et trois nuits sans me fatiguer ! — il voulut la prendre au mot, et ordonna que l’on préparât tout chez lui pour un bal magnifique.

Aglaure, enchantée de ce projet, passa tous les jours qui précédèrent la fête à faire des glissades, des jetés-battus, des pas de basque et des battements, etc., etc., pour être en état de mieux danser… Enfin le jour du bal arriva.

À midi, la femme de chambre entra chez Aglaure, apportant une parure élégante que son père avait commandée pour elle, et la priant de se dépêcher, parce que les musiciens étaient arrivés et que le bal allait bientôt commencer. Aglaure ne voulut pas croire ce qu’on lui disait ; elle courut chez son père pour obtenir de lui une explication.

— Est-il vrai que le bal doive s’ouvrir à midi ? demanda-t-elle.