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LA FÉE GRIGNOTE

croira pas. Votre cruauté sera inutile, tandis que votre pitié peut vous être profitable.

— Eh bien, soit ! dit un des juges, que ce raisonnement venait d’attendrir ; nous te laissons la vie ; mais jure-nous de ne plus jamais nous faire rire, sinon…

— Hélas ! comment pourrais-je faire une promesse qu’il me serait impossible de tenir ! Ayez confiance en moi : je ne puis vous jurer de ne plus vous faire rire, mais je m’engage à ne plus vous faire gronder. Cela ne vous suffit-il pas ?

— J’accepte volontiers, dit un des élèves ; car ce qui m’ennuie, ce n’est pas de rire, c’est d’être toujours en retenue.

— Laissez-moi faire, ajouta la fée ; non-seulement on ne vous grondera plus désormais, mais encore vos fautes passées seront pardonnées, et, je vous le promets, vous obtiendrez de sortir dimanche.

— Nous sortirons dimanche ? crièrent-ils tous en même temps.

— Je m’y engage, foi de souris et de fée !

Les enfants, au comble de la joie, changèrent aussitôt leur haine en enthousiasme ; ils portèrent la fée en triomphe dans sa souricière et lui rendirent la liberté.

Puis, se livrant à l’espérance avec la même vivacité qu’ils s’étaient livrés naguère à leurs regrets, ils recommencèrent leurs acclamations :

— Nous sortirons dimanche ! dimanche ! dimanche !

— Moi, j’irai à la fête de Saint-Cloud !

— Et moi, à la fête de ma tante !

— Et moi, à Franconi avec papa !

— Et moi, au jardin des Plantes !

— Et moi, à la messe du roi !

— Et moi, j’aurai mon fusil !

— Et moi, je galoperai sur mon petit cheval !

— Et moi, j’irai aux Tuileries avec ma montre !

— Et moi, j’irai à la noce de ma sœur !

— Et moi, je pourrai voir maman !

— Et moi, je pourrai m’aller promener tout seul, sans tuteur !