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LA FÉE GRIGNOTE

souris du quartier, même quelques gros rats par-dessus le marché.

On était au jeudi de la semaine et l’on avait encore deux grands jours à donner aux démarches nombreuses qui devaient rendre aux écoliers leur beau dimanche.

Les ruses allaient leur train : la souricière était achetée, le lard même était déjà grilloté ; les enfants, pour attirer leur persécutrice, semaient des miettes de pain dans toutes les chambres du collège. C’était pitié de voir tant d’ennemis et tant de courroux contre une si petite souris.

L’espiègle Grignote ne savait rien de ce complot. Depuis le jour de la grande colère du maître, elle s’était enfuie, et se tenait cachée dans une pension de jeunes filles, où elle faisait maintes folies ; car les petites filles sont encore plus rieuses que les garçons ne sont rieurs.

Cependant, voyant le calme rétabli chez les écoliers, elle revint le vendredi soir coucher dans son trou ordinaire, bien loin de soupçonner la trahison qui l’attendait.

Quand elle rentra, il n’y avait plus personne dans la classe, tous les élèves étaient dans les dortoirs. La souris se promenait çà et là sous les bancs, et trouvant tant de miettes de pain par terre, elle fut très-agréablement surprise ; comme elle les goûtait sans danger, elle ne soupçonnait aucune ruse. De miette en miette, elle arriva jusqu’au perfide lard, dont, hélas ! elle ne se défia point, l’imprudente !

À peine eut-elle goûté ce mets trompeur, qu’elle entendit un bruit terrible, terrible pour une souris, celui d’une trappe qui retombe, la souricière se trouva fermée et la souris se trouva prise.

La pauvre fée, en ce moment, fut aussi malheureuse qu’une véritable souris qui serait tombée dans un piège semblable ; d’ailleurs, c’était une fée du second ordre, une quasi-fée qui n’avait aucun pouvoir.

Son rôle sur la terre était de faire rire, et rien n’est plus méprisable que cela.

Elle sentit du premier coup toute l’étendue de son malheur, et elle passa la nuit à gémir et à se désoler.

Le lendemain matin, quand les écoliers la virent dans la