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LA FÉE GRIGNOTE

— Dimanche ! s’écriait un autre, c’est aussi la fête de ma tante : nous devions aller goûter chez elle !

— Et moi, papa devait me mener à Franconi !

— Et moi, au jardin des Plantes !

— Et moi, à la messe du roi !

— Et moi, mon oncle qui me donnait un fusil !

— Et moi, mon frère qui m’a acheté un petit cheval !

— Et moi, grand-papa qui me donne une montre !

— Et moi, maman qui est malade !

— Et moi, ma sœur qui se marie !

— Et moi, mon tuteur qui est à Londres !

C’est encore le grand écolier de seize ans qui dit cela. Ce méchant écolier n’était heureux que quand son tuteur était absent… Mais je n’en finirais pas si je voulais énumérer tous les regrets que la punition infligée à ces enfants faisait naître en leurs cœurs ; je me bornerai à raconter leur vengeance.


CHAPITRE TROISIÈME.

LA PRISONNIÈRE.


Celui qui était le beau parleur de la classe déclara qu’il n’y avait pas un moment à perdre, qu’il fallait à tout prix s’emparer de Grignote, que l’on n’aurait de repos que lorsque Grignote serait prise, que la prise de Grignote seule pourrait apaiser la colère du maître. — Le maître est trop juste, criait-il, espérant bien être entendu de lui ; il est trop juste, dis-je, pour nous punir du crime d’un autre. Je n’en doute point, dès qu’il saura que Grignote seule est coupable, il nous fera grâce, et toute sa colère sur elle seule retombera.

À ce discours, les écoliers battirent des mains, et l’orateur profita de cet enthousiasme pour demander des fonds, c’est-à-dire l’argent nécessaire à l’achat d’un peu de lard et d’une souricière. Chaque élève apporta la contribution de ses dix centimes, et l’on réunit bientôt une somme assez considérable pour se procurer de quoi prendre toutes les