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LA FÉE GRIGNOTE

sion, c’est Grignote, j’en suis certain ; j’ai senti quelque chose qui me poussait les jambes pendant que le maître parlait.

— C’était moi, dit encore le petit enfant tout naïf, qui ne comprenait pas qu’il fallût mentir pour accuser quelqu’un, et qui d’ailleurs se sentait déjà en sympathie avec Grignote.

— Ah ! c’était toi ? reprit Richemont, impatienté d’être dérangé dans son mensonge. Eh bien, tiens ! voilà pour t’apprendre à me pousser les jambes !… — Et le méchant garçon, en disant cela, donna un grand coup de poing au petit ingénu. Puis, transporté de colère, il monta sur une table en criant : — Vengeance !

Et tous ses camarades, répétèrent : — Vengeance !

Ce fut un concert d’imprécations contre la malheureuse Grignote : chacun, selon son caractère, lui disait une injure ; et comme ils étaient au moins au nombre de trente dans cette classe, c’était un tapage épouvantable ; on n’entendait que Grignote… toujours Grignote…

— Maudite Grignote !

— Infâme Grignote !

— Abominable Grignote !

— Perfide Grignote !

— Misérable Grignote !

— Grignote d’enfer !

— Grignote la voleuse !

Grignote l’hypocrite !

— Petite scélérate de Grignote !

— Grignote la mauvaise !

— Grignote de Grignote !

— Grignote l’intrigante !

— Grignote la moucharde !

— Grignote la coquette !… dit enfin un grand écolier de seize ans, pour qui ce mot était déjà une injure.

Quand les imprécations furent épuisées, les regrets commencèrent. Chacun se rappela le plaisir qui lui était promis pour ce troisième et fatal dimanche qu’ils étaient encore une fois condamnés à passer à la pension.

— Dimanche ! s’écriait l’un, justement c’est la fête de Saint-Cloud : maman devait m’y conduire !